Ce masque, réalisé dans les années 1930, évoque une femme aux traits stylisés, à la grâce suggérée par une bouche pulpeuse, de longs cils et un cou altier qui lui sert de base. Si l’ovale du visage, les formes arrondies des joues et du menton présentent des volumes naturels, la bouche positionnée de travers, le sourcil gauche fortement arqué et les boucles de cheveux asymétriques créent certaines disproportions. Celles-ci pourraient presque évoquer la démarche cubiste consistant à condenser en un seul visage une multiplicité de points de vue. Toutefois, la simplicité du trait rapproche plutôt ce masque des séries de portraits dessinés par Henri Matisse, spécifiquement ceux de femmes réalisés au cours des années 1940. C’est d’ailleurs précisément sur le dessin que repose le processus créatif de Jean Duvoisin, sa recherche des formes. Si cet orfèvre et ciseleur hors pair a surtout travaillé l’argent, mais également le cuivre ou l’or, il a recouru ici à l’étain, matériau moins noble, mais traditionnel à Genève puisque lié à un artisanat très actif aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant, et en dépit du regain d’intérêt que l’étain a suscité chez les artistes représentatifs des styles Art nouveau et Art déco, il semble que ce soit le facteur économique qui ait motivé ce choix. La technique remarquable de cet ancien élève de l’École des Arts industriels de Genève montre combien Jean Duvoisin était un artiste attaché au vrai métier, qu’il exerçait dans le respect de la tradition et à l’aide d’outils fabriqués par ses soins. Il est une figure essentielle de la bijouterie et de l’orfèvrerie genevoise du XXe siècle.