Cet exercice venait clore l'exploration du thème "Femmes et préhistoire : les frontières du genre" menée tout au long du semestre entre musée et salle de cours. Une expérience rendue possible grâce à une collaboration entre la médiation culturelle du MAH et la professeure de géographie de l'UNIGE, Julie de Dardel. La salle d'archéologie régionale et sa muséographie sont ainsi devenues le "terrain" proposé aux étudiant.es pour appliquer les outils d'analyse acquis grâce au MOOC et au livre Frontières en tous genres du séminaire du même nom.
Les « frontières du genre » au musée
vues par des étudiant.es de l'Université de Genève
Le 25 mai dernier, des étudiant.es en géographie de l'Université de Genève (UNIGE) proposaient une relecture de la Salle d'archéologie régionale du MAH et invitaient le public à chausser des "lunettes de genre". Objectif : affuter leur regard sur ce pan de la collection, en intégrant la dimension du genre dans l'interprétation des vestiges du passé et plus généralement dans le fonctionnement de la discipline archéologique.
L'archéologie de genre aujourd'hui
Un premier groupe s'est intéressé à l'histoire de la discipline archéologique, notamment autour de l'histoire des fouilles de Veyrier. Il a présenté la naissance puis l'importance que prend actuellement l'archéologie de genre, avec la publication toute récente en français de nombreux ouvrages sur ce thème. C'est le cas de l'essai de Marylène Pathou-Mathis, L'homme préhistorique est aussi une femme1 , qui révolutionne la discipline dans le monde francophone et qui a servi de manuel pour les étudiant.es du séminaire.
Le groupe s'est ensuite penché sur le mouvement Paye ta Truelle, "un projet collectif qui lutte pour l'égalité et la diversité dans le monde de l'archéologie francophone"2 .
Poser un nouveau regard sur la collection
Le deuxième groupe a proposé de déconstruire les stéréotypes de genre qui persistent autour des populations préhistoriques grâce à un tout nouveau regard critique, matérialisé par les "lunettes de genre" chaussées par le public.
La femme s'occupait-elle vraiment des enfants pendant que l'homme chassait le mammouth (ou plutôt le renne dans le cas de Veyrier) ? Ou cette représentation est-elle plutôt le modèle du breadwinner du 19ème siècle appliqué sans filtre au passé ?
Aujourd'hui les vestiges archéologiques autour de la période préhistorique ne nous permettent pas de conclure à une division sexuée du travail. Bien au contraire, les nouvelles publications et recherches en archéologie de genre viennent plutôt démonter des idées toutes faites autour de la femme préhistorique.
"On ne naît pas femme : on le devient."
Simone de Beauvoir évoquait en 1949 le fait que "toute l’Histoire a été faite par des mâles"3 . Elle thématisait déjà il y a plus de 70 ans l'androcentrisme4 et les nombreux biais appliqués à notre lecture du passé, que de nombreuses chercheuses et de nombreux chercheurs tentent aujourd'hui de déconstruire.
Les musées, en tant que lieu dont la vocation est de construire et transmettre des imaginaires et des références communes, se doivent aussi d'accompagner leurs collections et expositions d'un discours pédagogique et critique sur la question des inégalités. Une résolution a d'ailleurs été votée en 2013 par l'ICOM relative "à l'intégration des questions d'égalité entre les sexes" dans la politique muséale5 des institutions. Le chemin y est, là comme ailleurs, encore long, mais gageons qu'en donnant la parole à des étudiant.es qui nous partagent leur regard critique, on est sur la bonne voie !
Notes
- 1.
- 2.
- 3.
- 4.
- 5.