Mozart V: l’amour de la clarinette

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Le dernier concert du cycle Mozart! proposé par le Quatuor de Genève est consacré au céleste quintette avec clarinette K 581. Une occasion parfaite pour dédier le vingt minutes, une œuvre introducteur à la clarinette en si bémol de Theodor Lotz – la seule de ce célèbre facteur de la Cour Impériale de Vienne à avoir traversé les siècles – que le Musée d’art et d’histoire de Genève a la chance de conserver.

La clarinette, un instrument relativement nouveau

La première clarinette est une adaptation d’un instrument à anche simple plus ancien – le chalumeau – due à Johann Christoph Denner (1655-1707), facteur d’instruments à Nuremberg dans les dernières années du dix-septième siècle. Elle mettra une cinquantaine d’années à s’imposer dans les orchestres européens.

Dans une lettre datée de 1778 à son père Léopold, Mozart s’extasie sur les sonorités des deux clarinettes présentes parmi les vents de l’Orchestre de Mannheim, l’un des premiers dans lequel elles ont fait leur entrée, en 1754. De fait, le compositeur recourt, dans les années 1780, de plus en plus à cet instrument. Il l’intègre dans tous ses opéras à partir d’Idoménée (1780-81), dans les symphonies 31, 35, 39 et 40 et les concertos pour pianos 22, 23 et 24. Mais il est surtout un des premiers compositeurs à l’utiliser autant en musique de chambre: trois sérénades pour vents, un quintette pour vents et piano, le trio avec alto et piano dit «des quilles», le fameux concerto K 622 et, bien sûr, le quintette K 581.

Le quintette Stadler

Composé en 1789, parallèlement à Cosi fan tutte, opéra dans lequel la clarinette apparaît chaque fois que s’exprime la tendresse véritable (par exemple dans le duo Oh guarda sorella) au milieu du jeu souvent cruel des sentiments contradictoires, le quintette K 581 est dit «quintette Stadler», du nom de son dédicataire et créateur, le clarinettiste Anton Stadler (1753-1812), frère de Mozart en maçonnerie.

1789 est une année très difficile pour Mozart. Son succès à Vienne est en berne, il perd un enfant, il est en proie à des difficultés financières. Pourtant, le compositeur choisit la tonalité lumineuse de la majeur pour exprimer une gravité, une profondeur traversée par des éclats de joie comme un sourire à travers des larmes. Les sonorités chaudes et sensuelles de la clarinette semblent ici incarner une tendresse qui va au-delà de la fraternité, comme une aspiration à un amour universel et absolu qui s’achève dans l’allégresse.

Là où Cosi fan tutte – sans doute sa plus grande mais aussi sa plus difficile réussite dramatique – met en pièce la pureté des sentiments, le quintette, comme une contrepartie nécessaire pour Mozart, réaffirme la nécessité absolue de l’amour.

La clarinette de basset

De la collaboration entre Stadler, Mozart et le facteur de la Cour impériale viennoise Theodor Lotz naît la clarinette de basset, une clarinette sonnant une tierce plus bas que la clarinette en la, permettant d’atteindre le do grave. C’est pour cet instrument que le quintette K 581 a été écrit, de même que le concerto K 622, lui aussi composé pour Stadler. Mozart l’utilise aussi dans la Clémence de Titus: l’air de Sesto, Parto, a un accompagnement de clarinette de basset obligé. Ces pages sublimes prouvent s’il le fallait l’engouement de Mozart pour l’instrument.

La clarinette en si bémol de Theodor Lotz

Clarinette en si bémol de Theodor Lotz, vers 1785, © MAH, photo: M. Aeschimann, inv. IM 136
Clarinette en si bémol de Theodor Lotz, © MAH, photo: M. Aeschimann, inv. IM 136

Theodor Lotz (1748-1792), le père de la clarinette de basset si chère à Mozart, était aussi bien facteur d’instruments que compositeur et clarinettiste. Il réalisa des clarinettes et des cors de basset auxquels il apporta d’importantes innovations techniques.

La clarinette en si bémol du MAH est tournée en buis. Elle comporte six viroles d’ivoire et cinq clefs de laiton. Une marque au fer indique THEODOR/LOTZ/K(aiserlicher)K(öniglicher)
HOF/INSTR(umenten) MACHER/IN WIEN. Lotz étant devenu fournisseur de la Cour impériale en 1788, cela date notre clarinette entre 1788 et 1792.

La clarinette de Lotz est extrêmement intéressante sur un point précis: son bec. En effet, jusqu’au début du XIXe siècle, l’anche s’appuyait le plus souvent contre la lèvre supérieure. Cela ne semble pas être le cas ici, la position de la marque du facteur, traditionnellement située sur le dos du bec, suggérant un positionnement de l’anche contre la lèvre inférieure.

La clarinette de Genève est la seule réalisation de Lotz à nous être parvenue, à l’exception de quelques cors de basset. Mozart appréciait aussi beaucoup cet instrument, frère grave de la clarinette, accordé en fa ou en sol. Il avait du reste pensé en premier lieu son concerto K 621 pour cet instrument et c’est également un cor de basset obligé qui dialogue avec la voix de soprano dans le rondeau de Vitellia de la Clémence de Titus.

Dimanche 2 novembre à 11h
Musée d’art et d’histoire
Quatuor de Genève avec avec Camillo Battistello, clarinette
Beethoven: Quatuor à cordes no 9, opus 59 «Razumovsky» no 3
Mozart: Quintette avec clarinette K 581

Prix: CHF 20.- et CHF 15.-, libre jusqu’à 18 ans
Réservation: Espace Ville de Genève, Maison des arts du Grütli, Cité Seniors, Genève Tourisme et sur place une heure avant le concert

Vingt minutes, une œuvre, à 10h30
autour de la clarinette en si bémol de Theodor Lotz
Entrée libre, sans réservation

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