Mozart III: tout en nuance…

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En marge de la Journée internationale des musées, le troisième concert du cycle Mozart! proposé par le Quatuor de Genève est consacré à trois superbes pièces de chambres: le quatuor avec flûte K 285, le quatuor avec hautbois K 370 et le quintette à deux altos K 516. Le Vingt minutes, une œuvre introducteur est, quant à lui, dédié à un fortepiano contemporain de Mozart.

De la commande et du «sur mesure»

Les deux quatuors K 285 et K 370 célèbrent le mariage des vents et des cordes et partagent la particularité d’être des pièces très courtes. Cependant, leur climat de composition est complètement différent.

La première pièce, en ré majeur, est un travail «alimentaire». Il est composé, avec deux autres quatuors pour flûte et cordes, sur commande d’un musicien amateur, Ferdinand Dejean (1731-1797), chirurgien à la Compagnie des Indes néerlandaises en 1777-1778. Mozart n’apprécie pas particulièrement la flûte et s’acquitte, presque à contrecœur, de cette tâche… Ce qui ne l’empêche pas de livrer de belles pages de musique, célèbres pour le lent adagio au thème élégiaque où la flûte, soliste et mélancolique, est accompagnée par d’entêtants pizzicati.

Mozart exécute ce travail à Mannheim, où il fait la connaissance du hautboïste Friedrich Ramm, musicien d’élite de l’orchestre local, pour qui il compose deux ans plus tard le quatuor en fa majeur. Les deux hommes se sont alors retrouvés à Munich où le jeune compositeur viennois achève Idomenée, opéra créé le 29 janvier 1781. Ce quatuor est une pièce sur mesure pour le virtuose qu’il admire, aérien et brillant, où le hautbois joue le rôle principal et dont les enchaînements complexes et les notes suraigües constituent une véritable prouesse technique. D’autant plus sur un instrument de l’époque!

Angoisse en sol mineur

Mozart achève la composition le 16 mai 1787 du quintette en sol mineur, une tonalité qui semble incarner pour lui l’angoisse et le tourment intérieur.

Le quintette à corde est une forme d’expression privilégiée pour Mozart, peut-être parce qu’il lui permet de doubler un de ces instruments fétiches, l’alto, dont la tonalité chaude, douce et grave, est propice à la confidence comme aux sanglots tragiques. Croches haletantes, polyphonie presque violente, accords dramatiques du menuetto, accents quasi joyeux fleurant la résignation… malgré quelques éclaircies fugaces, la couleur d’ensemble reste sombre et tourmentée. Et au milieu, un adagio ma non troppo hallucinant, durant lequel les cinq instruments, en sourdine, entraînent l’auditeur dans une atmosphère cotonneuse. Phénomène magique, l’angoisse de cette confidence n’est pas contagieuse: l’auditeur, tout au contraire, s’apaise de l’avoir reçue et n’en retire que plaisir et sérénité.

Piano, forte et vice versa

Après s’être intéressé à un clavecin du temps de Mozart, il était logique de consacrer un Vingt minutes, une œuvre a un clavier à cordes frappées. Pour rétablir l’équilibre car, durant le troisième quart du XVIIIe siècle, les œuvres pour claviers sont indifféremment jouées sur des instruments à cordes pincées ou frappées. Certains facteurs développent même des instruments combinant les deux mécaniques.

L’esthétique classique qui voit triompher la forme «sonate» est servie par la possibilité de produire un son nuancé, d’où l’intérêt croissant pour les instruments offrant la possibilité de jouer piano et forte. Ces instruments parfois encore qualifié de «clavecins pouvant jouer le piano et le forte», prendront par synecdoque le nom de pianoforte (plutôt usité quand ils ont la forme d’un clavecin) ou fortepiano (plutôt usité quand ils sont en forme de clavicordes). La version moderne ne conserve plus que «piano». Inventé par Bartolomeo Cristofori à l’aube du XVIIIe siècle, l’instrument se développe et commence à s’imposer en Autriche et en Allemagne du Sud au milieu du XVIIIe siècle grâce à des facteurs célèbres que Mozart a pratiqué, tel Johann Andreas Stein (1728-1792) à Augsbourg ou Anton Walter (1752-1816) à Vienne. C’est à ce dernier qu’il achète un pianoforte en 1781, aujourd’hui conservé dans sa maison natale à Salzbourg.

Fortepiano, 2e moitié du XVIIIe siècle, © MAH, photo: E. Marconi, inv. IM 313

Anonyme, le fortepiano du MAH, restauré dans les années 1980, est dans un bon état de conservation. Les chevilles sont d’origine ainsi que la mécanique aux marteaux recouverts de cuir. Les indications en allemand sur les marteaux pour indiquer la jauge des cordes et son aspect solide et dépouillé font pencher pour un instrument d’Allemagne du Sud ou de Suisse. Il possède cinq octaves de fa à fa, tessiture habituelle des pianofortes classiques.
Sur le dessous de l’instrument, on peut observer un dispositif de deux leviers, s’actionnant au moyen des genoux, jouant le rôle de pédale forte (servant à relever les étouffoirs): l’une pour les graves, l’autres pour les aigus. Le pianoforte de Mozart possédait ce même dispositif.

Les lignes droites et le clavier dont les marches – les touches diatoniques – sont blanches et les feintes – les touches chromatiques – noires comme sur les pianos modernes, le place vers la fin du XVIIIe siècle, les touches des instruments plus anciens ayant le plus souvent, comme les clavecins, des marches noires et des feintes blanches.

Dimanche 18 mai à 11h
Musée d’art et d’histoire
Quatuor Schumann avec Sarah Rumer, flûte, Vincent Gay-Balmaz, hautbois et
Catherine Soris, alto
Mozart: Quatuor avec flûte K 285, Quatuor avec hautbois K 370 et Quintette à deux altos K 516
Prix: CHF 20.- et CHF 15.-, libre jusqu’à 18 ans
Réservation: Espace Ville de Genève, Maison des arts du Grütli, Cité Seniors, Genève Tourisme et sur place une heure avant le concert

Vingt minute, une œuvre , à 10h30
autour d’un clavier à cordes frappées
Entrée libre, sans réservation

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