Mozart II: le clavecin sur la touche

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Pour le deuxième concert du cycle Mozart! proposé par le Quatuor de Genève, le Musée d’art et d’histoire accueille le Quatuor Schumann qui jouera le Divertimento pour trio à cordes K 563. Le Vingt minutes, une œuvre introductif sera consacré à un superbe clavecin français appartenant à la Fondation La Ménestrandie, exposé dans le salon dit «du Conseil d’État».

Divertimento et jeu d’esprit

Le trio à cordes est une forme relativement rare dans la musique de chambre, qui ne connaît pas de précédent majeur quand Mozart livre cette contribution unique. De 1782 à 1786, fort des leçons spirituelles de celui qu’il appelait «Papa Haydn», il compose six quatuors. En 1787, en ajoutant un deuxième alto, il élargit sa palette de couleurs avec plusieurs quintettes. En 1788, avec le divertimento, il la réduit, abandonnant le second violon et libérant l’alto de sa concurrence dans le registre médian. Cette épure lui permet de faire dialoguer, à parts égales, les trois voix. Lors de sa création à Dresde, en 1789, c’est Mozart lui-même qui tint l’alto, instrument qu’il affectionnait, comme il l’avait fait deux ans plutôt pour le trio K 498 dit «des quilles».

Mozart ne se tient pas aux trois ou quatre mouvements habituels. Il en livre six, dont l’exécution prend plus de trois-quarts d’heure, suivant ainsi la structure formelle du divertimento – à l’instar de ceux pour cordes et deux cors K 247, K 287 ou K 334. Un morceau de bravoure pour la concentration des interprètes, confrontés à des difficultés techniques majeures.

Variété, inventivité, usage de la forme sonate comme d’une écriture contrapuntique, thèmes inversés… si par l’atmosphère parfois grave et la profondeur émotionnelle qui s’en dégage l’étiquette divertimento semble parfois contradictoire, la pièce est construite comme un véritable jeu d’esprit. Un jeu de l’esprit dédié, si l’on en croit une lettre de Mozart, à Puchberg, son créancier et frère en maçonnerie. Les trois bémols à la clef et les trois voix égales des instruments sont sans doute une forme d’hommage à la générosité et à la fraternité de ses compagnons de loge, qui le soutiennent dans une période douloureuse de sa vie.

Le Clavecin Stirnemann

Ce clavecin français porte la signature «Jacob Stirnemann fecit 1777», peinte autour de la rose sur la table d’harmonie ainsi que sur la gorge au-dessus du clavier . Il comporte deux claviers de 61 touches, soit cinq octaves de fa à fa. Le diamètre des cordes d’origine et les indications de jauges gravées sous les touches ont permis de déduire que le diapason était bas, soit entre 390 et 400 périodes secondes, ce qui correspond au diapason français de l’époque. Il comporte trois jeux, deux de huit pieds et un de quatre pieds.

Très français également, le décor: une caisse dorée, décorée de guirlandes de fleurs et d’acanthes, des médaillons soutenus par des putti, représentant des instruments de musique. L’intérieur du couvercle comporte une scène peinte montrant une jeune fille préparée pour ses noces dans un paysage.

Clavecin français signé Jacob Stirnemann, 1777, coll. La Ménestrandie, photo: B. Jacot-Descombes

Ce qui est moins français, c’est le dispositif dit «dogleg» permettant de coupler les deux claviers: il est emprunté à la facture de l’Allemagne du Sud. Il faut dire que Hans Jacob Stirnemann, né le 8 octobre 1724 à Gränichen en Argovie et baptisé à Wolsheim, a probablement appris son métier en Alsace, où il restaure des orgues dans un premier temps.

En 1779, Stirnemann figure sur la liste des luthiers de Lyon où il est attesté jusqu’en 1790. Deux autres clavecins et trois pianofortes portant sa signature sont arrivés jusqu’à nous.

Mozart et le clavecin

Le premier instrument touché par Mozart est sans doute le clavecin. Léopold Mozart enseigne l’instrument à sa fille dès 1759. Elle a huit ans, Wolfgang trois. La petite histoire retient qu’il commença spontanément à «calvecinoter» pour chercher les «notes qui s’aiment». Dans ses tournées d’exhibition d’enfant, Mozart jouait clavecin et violon devant les têtes couronnées. Ses premiers concertos pour claviers sont écrits pour clavecin. À cela, rien d’étonnant. Si le clavicorde existe depuis la fin du Moyen Âge et si le premier pianoforte voit le jour au tout début du XVIIIe siècle en Italie, le clavecin est encore l’instrument roi.

En 1777, l’année où Jacob Stirnemann réalise le superbe clavecin de la Ménestrandie, Mozart compose son 9e Concerto KV 271 en mi bémol majeur, dit «Jeunehomme». Il porterait le nom de famille de la virtuose française qui le lui avait commandé: une stimulation extraordinaire pour le jeune compositeur qui peut écrire une musique pour un interprète ayant un niveau de jeu nettement supérieur aux notables de Salzbourg. Les instruments à cordes frappées permettant d’effectuer des nuances, entre le piano et le forte, servent l’esthétique classique et supplantent peu à peu les instruments à cordes pincées. Le concerto «Jeunehomme» est un point de bascule dans l’œuvre de Mozart: il place définitivement le clavecin sur la touche.

Dimanche 30 mars à 11h
Musée d’art et d’histoire
Quatuor Schumann
Mozart: Divertimento pour trio à cordes K 563
Fauré: Quatuor avec piano n° 2, opus 45
Prix: CHF 20.- et CHF 15.-, libre jusqu’à 18 ans
Réservation: Espace Ville de Genève, Maison des arts du Grütli, Cité Seniors, Genève Tourisme et sur place une heure avant le concert

Vingt minute, une œuvre , à 10h30
autour d’un clavecin français appartenant à la Fondation La Ménestrandie
Entrée libre, sans réservation

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