Tout au long de sa carrière et de ses recherches, Gustave Courbet s’est attaché à la représentation des paysages. Dans l’actuelle exposition présentée au Musée Rath, Gustave Courbet. Les années suisses, une salle est consacrée aux vues maritimes et aux paysages lacustres. Mais, au premier coup d’œil, est-il possible de décider qu’il s’agit de l’un ou de l’autre?
Amoureux de l’eau, fervent adepte de la baignade, Courbet considérait les bains comme une fontaine de jouvence. Et il a souvent peint avec passion la mer, notamment durant les séjours de liberté et de prospérité qu’il a passés entre 1866 et 1869 en Normandie, à Trouville. Durant ses années suisses, Courbet peint de nombreuses vues du lac Léman. Certaines d’entre elles, concentrées sur les flots et le ciel, se confondent avec ses marines. D’autres intègrent au contraire les montagnes qui font la grandeur du Léman et ne laissent pas de doute quant à leur sujet.
Ces paysages poétiques, souvent dépourvus de figure humaine, sont construits entre ciels dominants, assombris par les nuages ou enflammés par les couchers de soleil, flots habités ou non de voiliers, et parfois de rochers. Courbet aime représenter ces sujets, ce qui explique aussi que l’artiste ait choisi de s’installer à la Tour-de-Peilz. Il écrit à ce propos: «Je suis ici dans un pays charmant, le plus beau du monde entier, sur le lac Léman, bordé de montagnes gigantesques. C’est ici que l’espace vous plairait, car d’un côté il y a la mer et son horizon, c’est mieux que Trouville, à cause du paysage.»
En observant le tableau Vevey, Coucher de soleil, acheté par l’Américain Daniel Conway pour le compte du juge George Hoadly de Cincinnati, on constate pleinement l’ambiguïté entre les vues marines et lacustres de Courbet. Hoadly, gouverneur progressiste de l’Ohio, opposant à l’esclavage, est touché par «la cruauté du Gouvernement français» envers l’ex-communard et désire lui manifester son soutien. Il lui demande un «tableau de mer, c’est-à-dire un tableau où la mer soit la chose principale». Courbet s’exécute et la construction du tableau se rapproche à dessein de certaines marines exécutées sur la côte normande à la fin des années 1860. On y retrouve un ciel occupant plus d’espace que les flots, les colorations orangées du couchant, le rendu illusionniste de la matière minérale.
Mais, dans le fond de sa composition, il ébauche un morceau de montagne qui évoque assurément le lac ainsi que son exil.
Jusqu’à la fin, Gustave Courbet conservera son amour de l’eau. Sur son lit de mort, il s’adresse à son médecin Paul Collin: «Figurez-vous, mon cher docteur, que quand je suis dans l’eau, j’y resterais des heures, regardant le ciel au-dessus de moi, à faire la planche. Je suis comme un poisson dans l’eau.»
Texte rédigé en collaboration avec David Matthey, Loyse Graf et Françoise Vallet