Le hallebardier et le pâtre-soldat
Le programme décoratif du Palais des beaux-arts construit à cette occasion est un condensé de l’imagerie patriotique qui se met en place dans l’expression artistique suisse de l’époque. Deux figures symboliques exprimant la notion d’une appartenance commune y jouent un rôle essentiel. Héritée des peintres-mercenaires du XVIe siècle (Urs Graf, Hans Rudolf Manuel), celle du guerrier suisse muni de son arme emblématique, la hallebarde, occupe une place prédominante – significativement, les hallebardiers constituent la moitié des 26 « figures de Suisses» monumentales commandées à Ferdinand Hodler pour revêtir les pylônes des galeries extérieures de l’édifice. Ce fier guerrier en costume à taillades est accompagné d’une autre figure archétypale qui lui est intimement liée, son modèle premier en quelque sorte: le «pâtre-soldat ». Ce héros de la Suisse primitive, prompt à prendre les armes pour défendre la liberté de sa patrie, fait écho à l’image idéalisée du «vieux Confédéré» qui incarne, dès la fin du Moyen Âge, les valeurs morales du rude combattant des origines, guerroyant pour l’indépendance de sa vallée plutôt que par appât du gain, comme le feront les « jeunes Confédérés» parcourant les champs de bataille européens au service des souverains étrangers. Ce personnage évoque aussi, à l’instar des chalets du «Village suisse» reconstitué pour l’Exposition, le caractère sécurisant du cadre alpestre, à la fois berceau de la Confédération et valeur refuge face à l’industrialisation croissante des plaines et aux mutations sociales qui en découlent.