Tuile plate

5e s. - 6e s. (?)
Couleurs
Œuvre non exposée actuellement

Description

Tuile plate

Datation
5e s. - 6e s. (?)
Dimensions
long.: 42.5 cm
larg.: 27.5 cm
ép.: 6 cm
Matériaux
Terre cuite, moulée à la main, marques intentionnelles et fortuites avant cuisson : lettre tracée au doigt ; empreintes de pattes d'oiseau (poule ?)
Numéro d'inventaire
C 0132

Description
D'après H. Fazy (Note sur les antiquités romaines découvertes sur les Tranchées, lue à la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève le 31 décembre 1857), cette tuile plate à la mode romaine, sans doute fabriquée dans la région genevoise, fut découverte, en compagnie de tuiles similaires (C 0133, C 0134 et C 0135) et de divers autres objets, en août 1858, dans les environs de la contre-garde du bastion du Pin, alors en cours de démantèlement. Les travaux de démolition des fortifications du quartiers des Tranchées, en cours depuis 1851, ont livré de nombreux vestiges, notamment de l'époque gallo-romaine, dont la plupart sont venus enrichir le Musée cantonal d'archéologie, fondé en 1857 et situé à l'emplacement de l'actuel Palais de Justice au Bourg-de-Four. Les collections archéologiques de ce musée, démantelé en 1867, sont devenues propriété de la Ville de Genève et ont été placées sous la responsabilité du Musée académique, puis du Musée archéologique, ancêtres du Musée d'art et d'histoire. Comme sur deux autres exemplaires issus de la même trouvaille, on distingue sur cette tuile une marque en forme de P, très peu documentée dans l'aire gallo-romaine et dont la signification exacte reste indéterminée. Moins étudiées, plus discrètes et énigmatiques que les estampilles de fabrique, les marques qualifiées de digitées - car majoritairement tracées intentionnellement après le démoulage, dans l'argile meuble, à l'aide d'un ou de plusieurs doigts - sont constituées de divers (demi-)cercles simples ou multiples, boucles ou lignes ondulées, plus rarement d'une lettre de l’alphabet. Ces marques, inscrites près du bord avant de la tuile, seraient liées à la chaîne opératoire d’un atelier de production et servaient probablement au décompte des pièces produites par chaque tâcheron (ouvrier tuilier-mouleur). On ne saurait cependant préciser lesquelles étaient apposées par ce dernier ou par le contremaître. Outre la rareté de la marque que notre exemplaire genevois porte, ses dimensions relativement réduites (en particulier sa faible largeur) nous incitent à penser que cette tuile est probablement issue d’un contexte tardo-antique ou haut médiéval. Cette opinion est renforcée par la découverte concomitante, lors de la démolition de la contre-garde du bastion du Pin, de treize tombeaux appartenant, d’après H. Fazy, « à une période de transition entre les périodes romaine et helvéto-burgonde » – datation corroborée par celle d’une fibule également conservée au MAH (inv. E 0471) qui en provient, du Ve-VIe siècle. Un œil attentif peut aussi déceler sur cette tuile plate des empreintes de pattes animales : trois doigts et un quatrième à peine visible à l'arrière. Les traces animales qu'on trouve sur de nombreuses tuiles sont laissées par les animaux domestiques et d’élevage, surtout ceux de petite taille qu'une simple barrière n'empêche pas de traverser l'aire de séchage sur laquelle sont disposées, avant cuisson, les tuiles dont l'argile est encore meuble. On reconnaît ici les empreintes d'un oiseau de grande taille. Il s'agit vraisemblablement d'une poule, dont la présence n'est pas étonnante dans l'environnement rural qui était celui des tuileries.Introduit dans les territoires gallo-romains à la faveur de la progression des légions, qui sont accompagnées de maîtres-tuiliers chargés d'assurer la couverture des bâtiments de l'armée, l’usage de couvertures de toits de tradition romaine, en particulier pour des bâtiments à vocation publique, perdure au-delà de la fin de l’époque gallo-romaine à proprement parler. Les tegulae connaissent une évolution morphologique au fil de temps et leurs dimensions tendent à se réduire, avant un abandon progressif des techniques de construction d’origine romaine durant l’époque mérovingienne, marquée dans notre région par la présence des Burgondes. Forme et taille constituent donc des éléments indicatifs de la datation des tuiles, qu’il convient cependant de nuancer en raison de fortes disparités liées au type de bâtiment qu’elles recouvraient et à son emplacement géographique. C’est pourquoi, en l’absence d’un contexte de découverte bien documenté, datable par d’autres objets mis au jour (monnaies, céramiques…), il s’avère souvent délicat d’attribuer avec certitude ces éléments de construction à une période précise. A l'époque romaine, les tuiles dont les bâtiments maçonnés de la région genevoise sont dotés depuis l'époque augustéenne, matériaux pondéreux malaisés à transportés, sont produites localement dans des tuileries installées aux abords de l'agglomération et exploitées par les propriétaires de domaines fonciers (villae). Plusieurs fours de tuilier gallo-romains ont été découverts à ce jour dans le canton de Genève : l’un à Bellevue, deux autres à Chancy. De forme rectangulaire, ils sont datés de la fin du IIe siècle après J.-C. Par ailleurs, sur le site occupé par le CERN (Meyrin) se trouverait également une tuilerie. Dans les tuileries et briqueteries, les pièces, extraites du moule en bois qui a servi à façonner l’argile crue, sont lissées puis mises à sécher à l’air libre, d’abord à plat sur un sol sablé, abritées de la pluie et du soleil par un toit. Ce séchage lent est destiné à éviter aux matériaux de construction de se fendre ensuite à la cuisson. Cette étape cruciale de dessiccation étant liée aux conditions météorologiques, l’activité des ateliers de production de matériaux en terre cuite restera saisonnière jusqu’à l'invention du séchage artificiel permettant de réguler précisément tous les paramètres nécessaires. C'est alors qu'elles se trouvent sur cette aire de séchage dépourvue de cloison, que les tuiles plates (tegulae), plus rarement les briques, peuvent recevoir diverses marques intentionnelles (estampilles de fabrique et marques digitées), ainsi que des empreintes fortuites de pattes - et parfois de pieds. Les matériaux en terre cuite, produits en masse, ont longtemps été négligés par les chercheurs. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, on ne conservait souvent des tuiles romaines que les parties portant, comme cet exemplaire, une marque - estampille ou marque de fabrique digitée -, parfois même découpées à cet effet. Lors de la destruction d’anciens édifices, les éléments architecturaux en argile, jugés banals, ont rarement été préservés. Les questions d’ateliers et de marques ont ainsi été davantage exploités que l’étude de la mise en œuvre des matériaux dans la construction. Ce n’est que récemment que son parues des études monographiques sur le sujet, ouvrant des perspectives économiques, politiques et stylistiques. Aujourd’hui, on veille à conserver tous les fragments de tuiles représentatives d’un édifice, ce qui permet d’en restituer le module, démarche nécessaire pour percevoir des évolutions. Moins étudiées, plus discrètes et énigmatiques que les estampilles de fabrique, les marques qualifiées de digitées – car majoritairement tracées intentionnellement après le démoulage, dans l'argile meuble, à l'aide d'un ou de plusieurs doigts – sont constituées de divers (demi-)cercles simples ou multiples, boucles ou lignes ondulées, plus rarement d'une lettre de l’alphabet. Ces marques, inscrites près du bord avant de la tuile, seraient liées à la chaîne opératoire d’un atelier de production et servaient probablement au décompte des pièces produites par chaque tâcheron (ouvrier tuilier-mouleur). On ne saurait cependant préciser lesquelles étaient apposées par ce dernier ou par le contremaître.

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Collection(s)
Archéologie classique
Mobilier et architecture
Archéologie régionale
Autres dates
Ancienne date d'attribution : Époque gallo-romaine
Inscriptions
inscription, au doigt : P

Bibliographie

Bibliographie

Charlier, Fabrice, "La pratique de l'écriture dans les tuileries gallo-romaines", Gallia - Archéologie de la France antique, Paris, CNRS éditions, 2004, Dossier : L'écriture dans la société gallo-romaine, 61, p. 67-102, p. 77, note 106 et p. 95, n° 46.3

Collingwood, R. G., et Wright, R. P., The Roman Inscriptions of Britain, II, Instrumentum Domesticum, fascicule 5/8 (Tile-stamps), Oxford, S. Sl Frere et R. S. O. Tomlin, 1993, RIB 2491.73, p. 112

Cram, Leslie, "La pratique de l'écriture dans les tuileries gallo-romaines", », Dossiers d’archéologie, 90, Dijon, Éditions Faton, 1985, p. 88-96, p. 91

Deonna Waldemar, Céramique romaine de Genève. Poterie commune : amphores, pelves, tuile, briques. II. Jattes (Pelves). III. Briques, Tuiles. Anzeiger für Schweizerische Altertumskunde (ASA) / Indicateur d'antiquités suisses (IAS), Bd 31, 1929, p. 28; fig. 9, n° 6, p. 22; fig. 10, n° 23, p. 23; fig. 13, n° 1; fig. 12, n° 3, p. 27

Compte rendu de l'Administration municipale pendant l'année 1926 : Présenté au Conseil municipal par le Conseil administratif en Avril 1927, 1927, p. 44-45 (Etudes scientifiques)

Fazy, Henri, "Note sur les antiquités romaines découvertes sur les Tranchées. Lue à la Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève dans sa séance du 24 décembre 1857", Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, t. XI, 1859, p. 525-546, avec 2 planches, p. 529

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