Ce tableau brodé dépeint une scène de la Nouvelle Héloïse (1761), roman de Jean-Jacques Rousseau qui connut un immense succès. Le petit Marcellin, fils cadet de l’héroïne tombe dans le lac Léman lors d’une partie de campagne. Sa mère, Julie de Wolmar, s’y précipite pour l’en sortir. Ce bain et sa frayeur entraîneront sa mort. Autour des personnages principaux on distingue les autres protagonistes du roman : le bailli de Vevey, à sa droite Henriette essayant de retenir sa mère, derrière eux Madame d’Orbe, l’épouse du bailli et Monsieur de Wolmar. L’iconographie du tableau semble combiner deux modèles : un paysage avec le château de Chillon par Wexelberg et Joyeux, actifs à Vevey et une œuvre de Gravelot gravée par J. de Longueil pour le groupe des personnages. Elle parut dans l’édition de la Vve Duchesne (1764) sous le titre l’Amour maternel, en remplacement de la dernière illustration de l’édition originale. Les tableaux brodés sont des ouvrages d’agrément, exécutés par des dames de la bourgeoisie où broderie et dessin faisaient partie de l’éducation des jeunes filles. Ainsi, une pièce de taffetas de soie est tendue sur un métier après avoir été cousue à une toile de renfort dont les restes sont souvent visibles. Une esquisse est alors faite au crayon, d’après un modèle. La broderie est ensuite réalisée à l’aiguille avec de la soie floche ou chenillée, en utilisant surtout des points lancés (passé plat), librement agencés selon le talent de la brodeuse. Puis le fond est peint à l’aquarelle et les détails des visages à la gouache, soit par la brodeuse, soit par une autre main plus qualifiée. Les sujets privilégiés sont tirés de peintures ou de romans à la mode, dans un esprit pastoral, néo-classique et romantique, avec un accent sur les scènes de la vie quotidienne. En Suisse romande, les paysages lacustres sont très appréciés et l’on perçoit l’influence des petits maîtres suisses.