Papyrus magique, fragment (remploi)

XXe dyn.
Couleurs
Œuvre non exposée actuellement

Description

Papyrus magique, fragment (remploi)
Titre
Formule magique contre les scorpions et documents commerciaux concernant diverses entreprises dans la nécropole thébaine

Datation
XXe dyn.
Lieu de création
Deir el-Medineh
Dimensions
haut.: 21.5 cm
long.: 30 cm
haut.: 28 cm sous-verre moderne
long.: 39 cm sous-verre moderne
Matériaux
Papyrus, inscription à l'encre noire et rouge au recto et noire au verso (document palimpseste). Forme : feuillet 4 comprenant quatre fragments, double face, se retournant horizontalement. Monté dans un sous-verre moderne
Mention obligatoire
MAH Musée d'art et d'histoire, Ville de Genève. Acquis par échange, 1937
Numéro d'inventaire
015274/4

Description
L’histoire récente de ces fragments de papyrus pourrait ressembler à un perpetuum mobile. Ces feuillets ont appartenu à Alan H. Gardiner, célèbre égyptologue britannique. Constatant que le Musée d’art et d’histoire de la Ville de Genève conservait des extraits de papyrus qui se raccordaient avec un volumen du musée de Turin, lequel possédait des fragments qui complétaient un autre papyrus en sa possession, il proposa et mit en œuvre un échange tripartite. Il ne pouvait alors pas savoir que le musée de Turin possédait aussi des feuillets (inv. CGT 50063) du papyrus qu’il remettait au musée de Genève, puisqu’ils ne furent identifiés que plus tard par Alessandro Roccati (1982) ! La découverte de notre collègue italien confirma la datation du papyrus et sa provenance, à tout le moins celle de sa copie ; de plus, il relevait que les textes présentaient des parallèles avec un autre document turinois (inv. CGT 50064). Ce papyrus possède une première particularité : il contient des textes de genres très différents : formules magiques et relations administratives. Par ailleurs, recto et verso, sont écrits par-dessus de précédents textes effacés mais que l’on repère aisément puisque la nouvelle rédaction a été tracée tête-bêche par rapport à la première. Copié par une même main, le recto comprend des incantations contre les scorpions et leur venin qui relèvent de quatre compositions distinctes, illustrant les principes traditionnels de la magie thérapeutique égyptienne. La première série exhorte le venin à quitter une partie précise du corps humain, sur laquelle une divinité règne en maître et dont le courroux est dirigé contre le poison. Le deuxième texte utilise un autre type de menaces : le « magicien » ordonne au venin de sortir, faute de quoi il détruira la création et l’Univers. Et pour renforcer l’autorité de sa parole, il précise que ce n’est pas lui (ritualiste) qui s’exprime, mais la déesse Isis qui prononce ces propos. Autre type de menaces avec la troisième composition : le ritualiste met en garde le venin quant au fait qu’il l’identifiera par son nom grâce à son aspect, l’insulte par des comparaisons ridicules ou péjoratives, mais surtout lui rappelle le pouvoir qu’il est en train d’acquérir. Car connaître le nom (intime) d’un être revient à l’avoir à sa merci et à disposer de tout pouvoir sur lui. La quatrième partie pourrait servir de conclusion et souligne le mépris de l’opérateur envers l’action du venin, soulignant sa faiblesse et lui niant toute force ou puissance. La dernière ligne mentionne le nom du chef des policiers, Montoumosé, qui vivait dans le village de Deir el-Médineh sous les règnes de Ramsès III et Ramsès IV. C’est donc très probablement à son usage que ces textes ont été recopiés. Au verso, on reconnaît trois mains différentes. L’une est celle d’un scribe qui a copié une cinquième composition contre les venins. Se fondant sur le chantage, le ritualiste recourt à un procédé largement exploité par ailleurs : si le poison n’obéit pas à ses injonctions, il s’en prendra violemment aux dieux en incendiant leurs sanctuaires ou en détruisant leurs tables d’offrandes par exemple. De tels propos impliquent que l’adversaire reconnaisse la suprématie des divinités évoquées, que ce soit dans le respect qu’il leur porte ou par l’effroi qu’il ressent à la pensée de les contrarier par sa faute… Divers memorenda relatifs au village de Deir el-Médineh occupent le reste du verso. Ils concernent plusieurs artisans qui étaient en charge du creusement et de la décoration des tombes royales. Une notation isolée est datée d’un an 3 ; d’autres se succèdent, les 23e, 25e et 26e jours du troisième mois de la saison de l’« été » d’un an 6, dates qui nous renvoient au règne de Ramsès IV. Les mécanismes auxquels recourt le « magicien », comme la structure des textes, sont aisés à saisir : leur intelligence est plus délicate et leur compréhension immédiate (traduction) souffre des incessantes allusions à des épisodes mythologiques auxquels il se réfère, mais qui nous sont la plupart du temps fort obscurs. Cherchait-il à noyer son auditeur (venin ou patient) sous le verbiage de sa science ou était-il un réel érudit ? La question reste ouverte, comme l’est partiellement le mode opératoire, qui manifestement en appelle présentement à l’oralité. On conserve cependant, dès le Nouvel Empire, un nombre important de stèles ou de statues dites « guérisseuses », couvertes de textes du même acabit. Le mode d’emploi de ces derniers documents est en revanche mieux connu. Le ritualiste déversait de l’eau sur le sommet du monument et la recueillait ensuite après qu’elle eut ruisselé et se fut imprégnée de la puissance magique des formules. Le patient était ensuite invité à la boire. On devine la relativité thérapeutique d’une telle prescription, si ce n’est l’apaisement que la victime pouvait peut-être ressentir face à la conviction que lui inspirait le ritualiste. Or précisément, certains venins provoquent des accélérations fatales du rythme cardiaque que cette pratique pouvait contribuer à calmer. L’appellation « papyrus magique » est récente. Elle permet de désigner des formules au moyen desquelles un thérapeute entend lutter contre les effets de piqûres de scorpions ou de morsures de serpents. À l’opposé, l’égyptologie recense des papyrus « médicaux » qui, plus proches de la science contemporaine, observent anamnèse (parfois), diagnostic et pronostic. Lorsqu’on en vient aux remèdes, cette distinction s’estompe : le médecin pourra certes recommander des préparations à base de produits naturels dont l’efficacité a parfois pu être soulignée, mais en règle générale, ils laissent le traducteur désespéré face à des vocables ambigus, familiers sans aucun doute des anciens, mais largement énigmatiques au regard de notre expérience. Ces prescriptions n’en sont pas moins accompagnées de formules mythologiques que le médecin est invité à prononcer. Ces textes rejoignent alors les papyrus « magiques », dès lors que c’est par le verbe et l’autorité de l’énonciateur que la guérison du patient est espérée.

PLUS D’INFORMATIONS SUR L’OEUVRE

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Collection(s)
Egypte et Nubie
Période
Antiquité
Inscriptions
inscription hiératique, à l'encre noire et rouge, au recto, 1 colonne de 9 lignes, lecture de droite à gauche, texte magique contre les piqûres de scorpion
inscription hiératique, à l'encre noire, au verso, 1 colonne incomplète de 5 lignes, et 1 colonne incomplète de trois lignes, lecture de droite à gauche, formule magique contre les scorpions, et documents commerciaux concernant diverses entreprises dans la nécropole thébaine

Bibliographie

Bibliographie

Charron Alain, Barbotin Christophe (dir.), Savoir et pouvoir à l'époque de Ramsès II : Khâemouaset, le prince archéologue, [Exposition, Arles, Musée départemental de l'Arles antique, 8 octobre 2016 - 22 janvier 2017], Gand et Arles, éditions Snoeck, 2016, p. 261-263, n° 116

Roccati, Alessandro, Magica Taurinensia, Analecta Orientalia (AnOr) 56, Rome, 2011, p. 128-131

D'Andiran, Gérald (sous la direction de ). La Médecine ancienne, du corps aux étoiles. [Exposition, Cologny. Fondation Martin Bodmer - Bibliotheca Bodmeriana, 30 octobre 2010 - 30 janvier 2011]. Paris, Presse Universitaire de France, 2010. ISBN : 978-2-13-058629-6., 145, 146, 4.1

ROCCATI, Alessandro, Un nuovo rotolo magico diviso tra le raccolte di Ginevra e Torino, dans Bulletin de la Société d'Égyptologie, Genève, 7, 1982., pp. 91-94

Massart, Adhémar. The Egyptian Geneva Papyrus MAH 15274. Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts, Abteilung Kairo (MDAIK) 15, 1957, pp. 173-185, Taf. 28-37

Deonna Waldemar, Gielly Louis, "Acquisitions des collections en 1937", Genava, t. 16, 1938, p. 1-16, p. 3

Expositions

Du corps aux étoiles, la médecine ancienne, Cologny, Fondation Martin Bodmer, 30.10.2010 - 30.01.2011
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