Dans la nuit du 11 au 12 décembre 1602, le duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie (1580-1630) tentait de s’emparer de Genève par surprise en escaladant ses murailles. Cet audacieux coup de main, qui faillit coûter son indépendance politique et religieuse à la cité de Calvin, devait durablement marquer les esprits: aujourd’hui encore, plus de quatre siècles après les faits, la commémoration de l’Escalade constitue l’un des moments fort de l’année genevoise. Le musée conserve l’ensemble des armes et du matériel d’assaut rattachés à l’événement, dont les fameuses échelles démontables qui ont permis au corps d’élite mené par François de Brunaulieu, gouverneur de Bonne, de s’introduire dans la ville. Vraisemblablement fabriquées à Turin et discrètement acheminées vers le théâtre des opérations, elles comprenaient à l’origine huit échelles de huit tronçons. Trois seulement seront utilisées, chacune composée de cinq éléments emboîtés pour une hauteur totale de 6,89 m suffisant à franchir la courtine de la Corraterie, qui mesurait environ 6,50 m. À l’issue des combats, renversées et partiellement brisées par le coup de canon tiré depuis le bastion de l’Oie ainsi que par la fuite précipitée des assaillants, les échelles sont recueillies et mises en trophée avec le reste du matériel abandonné par les Savoyards, puis étendues quelques jours plus tard en mémorial sous la halle de la Maison de Ville. Après une brève et tout aussi infructueuse incursion en territoire ennemi (trois mois plus tard, le 26 avril 1603, les Genevois tentent en vain d’escalader le château près du pont d’Étrembières), elles intègrent l’Arsenal. Érigées en trophée à la Salle des Armures de l’ancien Arsenal, elles sont transférées sous cette forme à la salle d’armes du Musée d’art et d’histoire en 1910. Chaque tronçon comporte quatre échelons. Les montants des tronçons inférieurs s’élargissent fortement vers la base, où ils se terminent par une forte pointe garantissant la stabilité de l’ensemble, tandis que ceux des tronçons supérieurs sont dotés d’une roulette garnie de tissu permettant de faire coulisser l’échelle aisément et sans bruit contre la muraille. Toutes les autres extrémités présentent une enfourchure renforcée de fer qui assure un double emboîtement : l’échelon supérieur, qui dépasse d’environ 5,5 cm de part et d’autre des montants, sert de support aux extrémités inférieures de l’élément suivant, dont le deuxième échelon reçoit à son tour les enfourchures de l’échelon précédent. Dix-sept éléments de ces échelles ont survécu jusqu’à nos jours : trois tronçons inférieurs (inv. F 41, F 44 et F 47), deux supérieurs (inv. F 46 et F 49) et douze intermédiaires (inv. F 42, F 45, F 48, F 50, F 53 à F 60), dont sept comportent ou comportaient des étais que l’on appuyait contre la muraille pour affermir l’échelle. Les montants sont en sapin, les échelons en frêne et les roulettes en bois de la famille du prunier, le tout étant recouvert d'une peinture foncée, probablement du brou de noix. Enfin, bien que les tronçons intermédiaires soient interchangeables, tous les éléments portent sur leurs montants des marques d’assemblage numérotées de 1 à 7.