Découvert à la hauteur de la Corraterie, parmi des pilotis qui pourraient suggérer l’existence d’une installation portuaire, ce petit autel fut dédié à Neptune par Caius Vitalinius Victorinus, soldat de la vingt-deuxième légion Primigenia, détaché de son corps de troupe stationné à Mayence pour surveiller l’étape qu’était Genève sur la voie reliant le Rhône au Rhin, à la frontière entre les provinces de Germanie supérieure et de Narbonnaise. Le dédicataire pourrait être le dieu romain de la mer, des lacs et des fleuves ou une divinité gauloise assimilée. Le dédicant, Caius Vitalinius Victorinus, est un citoyen romain, ainsi que l’indiquent ses trois noms (tria nomina) et le fait qu’il serve dans une légion, unité réservée aux citoyens romains. Victorinus était incorporé dans la XXIIe légion Primigenia stationnée à Mayence. Il arrivait que des soldats de cette unité soient détachés dans les régions alpines. Leur présence est attestée à Vevey et à Saint-Maurice. Ils semblent avoir été pour l’essentiel affectés au contrôle des grands axes routiers, mais s’occupaient peut-être aussi de la perception de certaines taxes. Il en allait sans doute de même pour Victorinus dont la fonction est définie par le terme vague de "a curis" ou chargé de mission. Le fait que Victorinus élève un autel à Neptune suggère un lien avec le trafic maritime. Le dieu était en effet le maître des grandes étendues d’eau, ainsi que des fleuves. Les monuments qui lui sont consacrés se trouvent souvent à proximité de l’eau. C’est le cas ici, puisque l’autel a été découvert près du port de Genève. Neptune était également vénéré ailleurs sur le Léman, notamment à Lausanne.A Genève comme à Arles, les témoignages archéologiques livrés par le Rhône sont précoces, au premier rang desquels un autel dédié au dieu Silvain, recueilli le 10 avril 1678 dans le bras gauche du fleuve un peu en aval de la tour de l’Île (cf. EPI 0006). En 1884, les travaux d’assèchement du Rhône, entrepris dans le cadre de la construction du barrage (destiné à la régulation du Léman) et de l’usine hydraulique des Forces Motrices, donnèrent lieu à d’autres découvertes, dans le même bras méridional du Rhône. Outre quelques objets romains mineurs et un matériel plus abondant de l’âge du Bronze, apparurent le présent autel à Neptune et un fragment de statue colossale, magnifique portrait d’une déesse portant un voile et un diadème à pointes. L’érosion rapide qu’entraîna la mise en service des Forces Motrices en 1886 rend désormais la découverte d’objets archéologiques dans le Rhône très improbable, contrairement à ce qui se passe à Arles.