Le pesage – et le système de poids qu’il suppose – est un des fondements du commerce, aussi loin que la mémoire historique peut remonter. Et – ajoutons – de la société civile tout entière. L’utilisation de poids et de mesures d’acception générale dans une société est une base de son existence. Cela va tellement de soi qu’on n’y pense pas, d’autant plus que la balance a presque disparu de la vie de tous les jours, à notre époque du préemballé, de la monnaie fiduciaire, voire virtuelle.
« Il faut qu’il existe quelque chose qui soit le même pour tous, à savoir la mesure », dit, dans La Métaphysique, Aristote, à la fin de la période grecque classique (XIV, 1 1088a2). Ainsi, l’État – État de droit, tout absolu qu’il fût – a pris tôt au sérieux son rôle de contrôleur des poids. Le Code d’Hammurabi, roi de Babylone, qui date de la moitié du XVIIIe siècle av. J.‑C., place à la base des activités économiques et professionnelles un système de poids rigoureux. Pour les Égyptiens, la balance était l’invention de Thot, la divinité personnifiant la sagesse, qui avait enseigné à l’homme l’écriture, la géométrie et le calcul (Sagesse d’Aménémopé, ch. XVI). La balance juste était de Dieu, selon la Bible (Proverbes 16,11 ; cf. Lévitique 19:35-36, etc.), et – évidemment – la fausse, du diable. La loi de l’islam prescrit d’utiliser des mesures et des poids exacts : « Donnez une juste mesure, quand vous mesurez ; pesez avec la balance la plus exacte… » (Coran, sourate XVII « Le voyage nocturne » 35 et également sourate VI « Les troupeaux » 152, sourate VII « Des murailles Al-A‘râf » 85, etc.). En cela, les Romains – et les Byzantins à leur suite – ne constituent donc pas une exception. Les Romains plaçaient sur les pièces de monnaie la corne d’abondance, symbole de la prospérité de l’État, dans les bras de la personnification de la bonne Monnaie (Sacra Moneta, à savoir Monnaie sacralisée parce que impériale et donc taboue, contre toute altération), représentée tenant une balance en équilibre (fig. 1) (CdN 2001-40). La législation impériale – attestée par le Codex Theodosianus et le Codex Justinianus, recueillis respectivement sur l’ordre des empereurs Théodose II (408-450) et Justinien (527-565) – est très précise et ne transige pas en matière de poids1 .