Autour des métiers du luxe à Byzance

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Essentiellement constitués par les dons des fidèles, les trésors d’églises représentaient le patrimoine des communautés religieuses. L’un de ces trésors est arrivé au Musée d’art et d’histoire grâce au legs de Janet Zakos. Il se compose d’un calice, d’un encensoir, d’une patène et d’une croix processionnelle montée sur un petit globe (inv. AA 2004‑0257, AA 2004‑0258, AA 2004‑0256, AA 2004‑0255‑1 et 2). Ces pièces en argent repoussé et ciselé datent du VIIIe-IXe siècle et, comme le suggèrent les noms des lieux qui y sont inscrits en grec et en syriaque, proviennent de la région d’Antioche (actuel Antakya, en Turquie). Par la qualité de leur exécution, ces objets attestent qu’un savoir-faire hérité de l’Antiquité semble s’être maintenu en Syrie, même après la conquête arabe de cette ancienne province romaine.

Dans la collection d’argenterie liturgique byzantine du Musée d’art et d’histoire figurent également deux croix processionnelles en argent doré, dont l’une avec un décor niellé (inv. AD 2560, AD 3062‑1 et 2), ainsi qu’un exemplaire en argent et bronze. Ces pièces sont datées du XIe siècle. À celles-ci on peut ajouter des croix processionnelles de bonne facture en bronze (inv. AD 2404‑1, AD 2541, AA 2004‑0195, AA 2004‑0196, AA 2004‑0187) ou en fer (inv. AA 2005‑0220) daté du XIe au XIVe siècle.

Symboles de prestige et d’autorité par excellence dans le domaine profane, les objets en métaux précieux acquièrent, dans le contexte religieux, un caractère sacré grâce à leur splendeur. Celui-ci exalte la gloire de Dieu, tout en mettant en lumière le donateur. Constantinople, capitale de l’Empire, était le centre de production principal. Dans cette ville, le travail des orfèvres était soumis à un contrôle étatique strict. De la fin du Ve à la fin du VIIe siècle, un système de sceaux géré par l’administration des finances impériales permettait de garantir l’authenticité et la valeur des métaux précieux. Cela n’a toutefois pas empêché les fraudes, et a même, à l’occasion, donné lieu à quelques anecdotes.

Dans le récit de la Vie de saint Théodore de Sykéôn – moine, évêque et thaumaturge, ayant vécu au VIe siècle dans la province de Galatie en Asie Mineure –, nous apprenons que ce dernier « … envoya son archidiacre à la ville impériale de Constantinople, avec l’ordre d’acheter calice et patène d’argent pour le service des purs mystères. » De retour au monastère, l’archidiacre montra à saint Théodore les pièces qu’il avait rapportées, mais « Dès qu’il eut aperçu l’objet, le saint, par son don de seconde vue, reconnut à quel usage il avait servi et qu’il était sujet à censure, et il le réprouva comme inutile et souillé. » L’archidiacre lui répondit que « l’argent des deux pièces était pur et l’ouvrage bien fait et qu’elles portaient la garantie de cinq sceaux … ». Néanmoins, après une enquête, les deux pièces se révélèrent impropres à l’usage liturgique car, selon le texte, elles provenaient de la fonte d’un pot de chambre d’une prostituée. (Vie de saint Théodore de Sykéôn, éd. et trad. André-Jean Festugière, [Subsidia Hagiographica, 48], Bruxelles 1970, pp. 39‑40).

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