De bleu, de blanc, de rouge

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Les trois cabinets

Les trois cabinets abordent les questions de recherche et les choix de conservation-restauration qui ont guidé le processus de valorisation de cette collection (2020-2024) et mené à la publication d’un catalogue raisonné.

Questions de recherche : le statut de l’œuvre

Le catalogue raisonné d’une collection est un genre qui naît avec les musées au milieu du XVIIIème siècle et reste aujourd’hui un outil fondamental. Il procède des missions premières d’un musées patrimonial (conserver, étudier et faire connaître ses collections), en fixant l’état des connaissances à un moment déterminé et en permettant ainsi de mettre à jour l’inventaire et la documentation. Pour chaque œuvre, il comprend une notice qui, à partir des observations matérielles, aborde différentes questions et accorde une attention particulière au processus de création, depuis les premiers croquis jusqu’au tableau définitif, en passant par les différentes esquisses peintes. Quel est le statut d’une œuvre ? Cette question est bien illustrée par le peintre et sculpteur genevois James Pradier, actif à Paris et dont l’abondante production graphique prépare aussi bien des œuvres sculptées que des esquisses peintes ou des tableaux aboutis et leurs cadres.

Question de recherche : l’identité de l’œuvre

Le connoisseurship consiste à dater et attribuer une œuvre, en la replaçant dans la carrière de son auteur. Il se fonde d’abord sur un examen matériel qui livre nombre d’indices sur la fabrication d’une œuvre : type de support, marque de fournisseur, séquence de travail, traces d’outils et nature des pigments et liants. Il procède ensuite par rapprochements stylistiques. Question cruciale, l’identité de l’œuvre est ici illustrée par deux peintres : d’une part, Géricault, dont la Tête de supplicié, longtemps considérée comme un pastiche, peut être vue après sa restauration comme une esquisse autographe. À l’inverse, le Cuirassier blessé, entré comme original, est en réalité une copie. D’autre part, Eugène Delacroix, dont la version des Massacres de Scio, longtemps vue comme une copie, peut être aujourd’hui (après sa restauration) inventoriée comme une étude autographe, ici en regard avec une copie prêtée par le MCBA de Lausanne.

Choix de conservation-restauration

Dans le processus de valorisation d’une collection, chaque œuvre fait l’objet d’observations qui permettent de reconstituer son histoire matérielle et ses transformations depuis sa création jusqu’à son état actuel. Elle livre ainsi des informations sur son identité et sa traçabilité, complétées par l’imagerie scientifique et les analyses en laboratoire et qui constituent le point de départ de l’enquête historique. La mission de la conservation-restauration consiste à étudier l’ensemble d’une collection, à lui garantir les meilleures conditions de conservation et opérer des choix. Ces derniers mettent en balance d’un côté les contraintes temporelles et budgétaires, de l’autre la qualité d’une œuvre et son état de conservation : quelles œuvres restaurer et jusqu’où mener le traitement ? Malgré son intérêt historique, l’œuvre de Dumoulin n’a pas été traitée, tandis que les deux tableaux de van Gogh ont fait l’objet d’une étude et d’une restauration complètes qui ont permis de les réévaluer.

Question de recherche : la traçabilité de l’œuvre

La traçabilité d’une œuvre constitue l’une des premières questions abordées dans la notice d’un catalogue de collection. Elle consiste à retracer l’itinéraire d’une œuvre depuis sa création jusqu’à son lieu actuel de conservation, en accordant depuis quelques décennies une attention particulière à la période des spoliations du IIIe Reich comme c’est le cas pour La jeune femme à la fontaine de Corot. Elle se fonde d’abord sur des indices internes à l’œuvre, dont le revers comporte souvent des inscriptions, des marques de collectionneurs, des étiquettes d’exposition ou des tampons. Ces indices internes doivent être complété par des indices externes : exceptionnellement, un livre de raison qui documente l’œuvre dans l’atelier du peintre ; des correspondances, des catalogues de vente, des registres de marchands voire des photographies qui permettent de la localiser dans les collections successives ; les inventaires et catalogues qui enregistrent son entrée et sa présence au musée.

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