Les amulettes
L’Osiris végétant acquis par le MAH en 2017 est une figurine rituelle de l’Égypte ancienne confectionnée lors de cérémonies en l’honneur du dieu Osiris. Il se compose d’un cercueil en bois mesurant 50,4 x 16,8 x 14,7 cm sur lequel est représentée une tête de faucon. À l’intérieur gît le simulacre de la momie d’Osiris muni d’un masque en cire peinte de 18,7 x 8 x 9 cm. En complément à l’étude publiée dans la revue Genava, n°65, voici le dixième article d’une série relative aux traitements de conservation-restauration et aux études matérielles réalisés.
De chaque côté de la nuque de la momie factice se trouve une petite masse noire dont la forme évoque une figurine. En partie cachées sous la momie et recouvertes d’une épaisse matière noire, ces figurines sont difficile à distinguer (Fig. 1 et 2). Les égyptologues ont rapidement soupçonné la présence d’amulettes, habituellement déposées dans le cercueil des Osiris végétants. Celles-ci représentent les fils d’Horus, qui sont au nombre de quatre (Fig. 3).
Or, l’Osiris végétant du MAH ne compte que deux amulettes. Ni les prises de vue radiographiques ni celles faites au CT-scan n’ont souligné la présence des deux autres statuettes (Fig. 4a et 4b).
Les observations et les analyses montrent que les amulettes ont été réalisées à partir d’une argile mélangée à de la gomme. Additionnée d’un peu d’eau pour dissoudre la gomme et obtenir la viscosité désirée, la pâte a été pressée dans les moules des deux moitiés de la figurine. Une fois les deux parties assemblées, les amulettes ont été déposées auprès de la momie et recouvertes d’un tissu de lin. Ultérieurement, lors d’un rituel peut-être, de la résine liquide leur a été versée dessus.
L’apport de l’imagerie scientifique
La reconstruction en trois dimensions des figurines par tomographie a permis d’en examiner les formes, les dimensions et la texture. La première, déposée du côté droit, a une apparence humaine et mesure 7,2 x 1,45 cm. La seconde, disposée à gauche de la momie, représente un animal et mesure 6,6 x 1,47 cm (Fig. 5). Il s’agit vraisemblablement d’un babouin, bien que son profil puisse aussi faire penser à celui d’un rapace et que les deux petites protubérances sur la tête puissent évoquer les oreilles d’un chacal. Si l’imprécision des détails de l’amulette animale ne permet pas une identification catégorique, sa position par rapport à la momie, en revanche, suggère qu’il s’agit plutôt du babouin comme l’explique KatiaNovoa.
Un élément étonnant, visible sur les deux statuettes, est un relief courant du cou aux cuisses. Cette bande verticale pourrait reproduire le «ruban» que les fils d’Horus tiennent habituellement dans les mains.
L’aspect des amulettes montre des reliefs et des angles doux qui suggèrent un matériau mis en forme par moulage ou coulage. Une ligne de jonction est bien visible sur les flancs (Fig. 6). La moitié arrière et la moitié avant de la figurine ont été mises en forme dans deux moules distincts, pour être ensuite assemblées.
L’examen de la surface restituée par la tomographie a également permis d’observer la présence d’un textile déposé sur les amulettes (Fig. 7 à 11). On notera que la face posée contre le fond du cercueil n’est pas couverte par le tissu. Les amulettes ont d’abord été placées dans le cercueil et ensuite seulement recouvertes par la pièce de tissu.
La matière constitutive des amulettes
Un tout petit peu de matière a été prélevée de l’intérieur de la figurine gauche à l’aide d’une pointe diamantée de 0,7 mm de diamètre (Fig. 12 et 13). Les images prises au microscope électronique à balayage de l’échantillon prélevé permettent d’observer des particules dont la structure en feuillets ressemble à celle des argiles (Fig. 14). Cette interprétation est corroborée par les résultats d’analyse EDX (Fig. 15) montrant les éléments d’une terre (avec principalement de la silice et de l’aluminium) qui pourrait être la montmorillonite. De plus, une analyse FTIR a montré qu’une gomme a été ajoutée à l’argile.
Un rituel lié aux amulettes
Une couche noire, dure et brillante, recouvre les amulettes. La même matière forme une flaque au fond du cercueil et une coulure marque le côté droit du masque (Fig. 16, 17 et 18a). Elle indique qu’une substance a été versée sur les amulettes pour s’écouler ensuite vers le fond du cercueil. Aujourd’hui durcie, elle était liquide à l’origine et a été utilisée à froid. Si elle avait été chauffée, la coulure aurait fait fondre le masque de cire à son contact. Différentes analyses ont permis d’identifier la composition de la substance: le test de chauffage a situé la température de fusion entre 137°C et 156°C qui correspond à celle d’une résine. L’analyse FRX a détecté du soufre, élément pouvant indiquer la présence de bitume. Enfin le spectre FTIR a assimilé le matériau à une résine fossile (tel l’ambre) et indique la présence possible de bitume (Fig. 18b). Nous avons donc une résine additionnée de bitume, qui, avec le temps, s’est durcie (fossilisée). L’adjonction de bitume peut avoir servi à liquéfier ou à noircir la résine versée, la couleur noire revêtant une forte connotation symbolique liée à la renaissance.
L’état de conservation
Les amulettes comportent plusieurs fissures et cassures visibles sur les radiographies (Fig.19 à 23). Présents sur toute la surface, mais plus importants au niveau des chevilles, ces dégâts peuvent être dus à un phénomène de retrait lors du séchage de la pâte et/ou consécutifs à un choc, peut-être le même choc qui a causé des fissures au niveau du masque de cire. Ces dommages ne présentent aujourd’hui aucun risque d’évolution, les amulettes se trouvant protégées dans leur enrobage de résine durcie.
Sommaire
1/10 Introduction
2/10 Le cercueil, une pièce de bois restaurée dans l’antiquité
3/10 L’identification et la datation du bois
4/10 Les décors du cercueil I
5/10 Les décors du cercueil II: les motifs figuratifs
6/10 La conservation-restauration du masque
7/10 Les couleurs du masque
8/10 Les textiles
9/10 Le contenu de la momie
10/10 Les amulettes