Les musées ne sont pas des lieux hors-sol. Au contraire, ils représentent la société et, à ce titre, ils se doivent d’être à son image, soit en constante évolution, et de participer aux débats qui l’animent. En témoigne le long processus – plusieurs années – de consultation de l’ICOM pour voter une nouvelle définition qui colle à la vision actuelle du rôle d’un musée !

Pour conserver leur forte légitimité institutionnelle et scientifique, les musées doivent contrer l'image d'institutions figées dans le temps, couvertes d'une patine poussiéreuse. Ils ne sont pas des espaces neutres, mais des lieux d'échange, de construction des imaginaires et de récits, traversés par les enjeux actuels. À ce titre, il leur revient de s'engager dans la lutte contre les discriminations et l'invisibilisation des minorités, auxquelles ils ont parfois contribué.

S'ouvrir à de nouvelles lectures de l’Histoire devient essentiel : confronter les points de vue, donner la parole à celles et ceux que la société a longtemps réduits au silence, et accompagner certaines œuvres d’un discours en phase avec les valeurs d’une société antidiscriminatoire, dont ils sont les garants.

Le MAH et son équipe de médiation sont pleinement engagés dans ce travail, avec l’inclusion et la participation culturelle au cœur de leur démarche. Toutefois, cette ouverture à des perspectives multiples ne peut pas se limiter aux seuls professionnel.le.s des musées. Elle doit se faire en collaboration avec les personnes concernées et les associations engagées dans la lutte contre les discriminations, qui apportent une expertise précieuse dans ce domaine.

Un musée féministe, ça veut dire quoi ?

Les œuvres exposées dans un musée contribuent à façonner notre imaginaire, en particulier sur les relations humaines et la sexualité. Il est donc essentiel de les interroger et de contextualiser leur création, surtout lorsqu’elles représentent des scènes de violence, de rapt ou de viol.

Ces œuvres ont joué un rôle déterminant dans la construction des stéréotypes de genre et la diffusion de la culture du viol. Elles offrent également un éclairage sur la manière dont le sexisme s’est développé au fil de l’histoire européenne. Mais comment présenter des œuvres qui mettent en scène des violences sexistes ? Il est crucial que les musées continuent à les exposer, car les retirer reviendrait à nier la construction et la propagation des valeurs patriarcales. Cependant, il est indispensable de les accompagner d'explications permettant d'éviter leur banalisation ou, pire encore, une romantisation de la culture du viol qu'elles reflètent.

« Vénus s’épilait-elle la chatte » revisite la collection Beaux-Arts du MAH

Inviter Julie Beauzac, créatrice du podcast « Vénus s’épilait-elle la chatte », à apporter son regard féministe, enrichi par son expérience et ses connaissances, constitue une première étape vers une nouvelle lecture de la collection.

Un audioguide permet ainsi de regarder « quelques œuvres phares du Musée d’art et d’histoire de Genève (….) en s’interrogeant sur les biais misogynes de l’art en Occident » (Julie Beauzac, introduction à l’audioguide pour le MAH). Une première partie a été inaugurée durant le festival Les Créatives en novembre 2023 et six nouvelles pistes viennent d’y être ajoutées. Au total, 12 œuvres de la collection des Beaux-Arts sont ainsi revisitées par l’historienne de l’art avec une perspective féministe.

Ce processus, bien qu’il prenne du temps, est déjà en cours dans la plupart des musées européens. De nombreuses institutions ont, par exemple, entrepris de vastes révisions de leurs cartels pour adopter un langage plus inclusif, en accord avec les sensibilités contemporaines.

Vivement la suite !