L'image revenante

Invitée par le MAH, la Fondation ”la Caixa” propose, à travers les œuvres de dix-huit artistes issues de sa collection, une exploration de l’art contemporain par le prisme du passé avec L’image revenante. Cette exposition, inspirée par l'univers de Marcel Duchamp, interroge la façon dont les artistes se confrontent à l'histoire de l'art et à la tradition : par des hommages, des citations, des parodies, ou encore par opposition.

Gros plan sur une sélection d'œuvres.

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Untitled #228, Cindy Sherman (1954)

Dans cet autoportrait mis en scène par Cindy Sherman (1954), l'artiste américaine explore les concepts d'identité et de genre en relation avec les conventions et les fictions de notre culture. L'objectif féministe de l'œuvre est étayé par l'histoire de l'Ancien Testament qui raconte la décapitation d'Holopherne par Judith. Le grotesque et la théâtralité excessive de l'œuvre de Sherman approfondissent et compliquent toutefois cette première lecture. L'orchestration des éléments scéniques nous fait croire à un tableau vivant, alors que la photographie de Sherman ne fait référence à aucune œuvre spécifique, mais à différents styles d'artistes du passé : nous avons vu ce thème chez Botticelli, Mantegna, Caravaggio ou Artemisia Gentileschi, entre autres, et notre mémoire nous trompe en nous faisant croire que nous les voyons tous dans cette image. L'utilisation d'éléments de costume, de maquillage et de prothèses révèle également une intention de souligner la nature artificielle de l'image.

Femme tenant une tête d'homme dans sa main

Cindy Sherman (1954)
Untitled #228, 1990
Impression couleurs C-print
208,3 x 122 cm
© Cindy Sherman
Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Hauser & Wirth

Untitled, Jorge Pardo (1963)

Cette œuvre du nord-américain Jorge Pardo (1963), faite de fragments qui s'entassent dans l'inconscient, fait appel à notre mémoire collective. Intéressé par la modification du sens des éléments quotidiens en les altérant, l’artiste accumule ici les références dans une sorte de mise en abyme. L'arrière-plan est basé sur les peintures de René Magritte et est un objet trouvé : un fragment du tapis conçu par l'artiste John Baldessari pour l'exposition Magritte and Contemporary Art : The Treachery of Images, qui s'est tenue au LACMA, à Los Angeles, en 2006. Pardo place une pièce de sa propre production sur le ciel : un crucifix en bois issu de son projet de conception d'objets liturgiques pour la paroisse catholique de Santa Trinitatis à Leipzig. La croix, qui ressemble à un dirigeable par association avec les nuages, prend une signification prosaïque. La scène céleste se situe donc entre le sacré et le profane pour mettre en lumière le lien historique complexe entre l'art et le culte.

croix sur fond de nuages

Jorge Pardo (1963)
Untitled, 2015
MDF (panneau de fibres à densité moyenne) laqué, bois de hêtre, tapis trouvé
292 x 370 x 46,5 cm
© Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Neugerriemschneider (Berlin) ; photo : Jens Ziehe, Berlin

Studio Schwitters, Pavel Büchler (1952)

Cette installation sonore de l'artiste tchèque Pavel Büchler (1952) propose, à travers 78 haut-parleurs, des lectures du poème phonétique d'un artiste contemporain de Duchamp, Kurt Schwitters (1887-1948). Intitulé Ursonate (1922-1932), les voix qui lisent le poème retentissent simultanément à partir de mégaphones qui représentent visuellement les séquences de lettres qui composent le poème. Le programme informatique sur lequel repose la synchronisation des voix et du son des appareils rend encore plus incompréhensible et abstrait le langage original de la composition de Schwitters, qui était à l'origine un poème purement phonétique dépourvu de sens. Büchler transforme ainsi toute la pièce en une Babel incompréhensible qui nous renvoie au rôle du texte dans la sphère du rituel et aux problèmes que posent ses interprétations.

Haut-parleurs

Pavel Büchler (1952)
Studio Schwitters, 2010
78 haut-parleurs, table et ordinateur
© Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Collection of Two Hundred and Sixteen Plaster Surrogates, Allan McCollum (1944)

McCollum a regroupé dans cette œuvre des modèles en plâtre de 216 tableaux selon les méthodes d'exposition typiques des salons du XIXème siècle. Bien que tous les panneaux aient été exécutés selon la même méthode, aucun n'est identique, ni en dimensions ni en couleur, soulignant le croisement entre la production manuelle et la production standardisée, entre l'original et la copie. L'installation fait ainsi référence à l'art et à ses métiers, mais aussi à la production en série, remettant en question les distinctions conventionnelles entre ces activités et éliminant toute l'aura sacrée de la présence de l'empreinte de l'artiste. En même temps, exposé sur un mur entier, l'ensemble évoque une iconostase d'où les personnages qu'on y imagine ont été effacés, ou repeints. Car l'intention de l'artiste est loin de chercher à fasciner ou à impacter par l'image. Au contraire, il essaie, selon ses propres termes, de « découvrir, au sens émotionnel, quel genre d’objet est un tableau » et considère ces œuvres comme « des accessoires de scène, pointant vers un mélodrame bien plus grand que ce qui pourrait simplement exister dans les peintures elles-mêmes ».

Panneaux de couleurs

Allan McCollum (1944)
Collection of Two Hundred and Sixteen Plaster Surrogates, 1987-1988
Plâtre peint
175 x 508 cm
© Avec l’aimable autorisation de l’artiste

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