L’artiste et réalisateur français, connu pour son travail multidisciplinaire qui mêle cinéma, photographie et arts numériques, a choisi de composer avec l’intelligence artificielle (IA) pour animer certaines œuvres emblématiques de la collection. Ces courtes animations, à la fois surprenantes, étranges et poétiques, réinventent le rapport du public à ces pièces patrimoniales, invitant à les explorer sous un nouveau jour.
« L'IA ne connaît aucune limite dans son interprétation du monde réel », explique Tonetti. « Ce qui est intéressant c’est que l'IA générative est nourrie par les millions d'images ou de textes que l'humanité poste tous les jours, les résultats qu'elle produit ne sont en réalité qu'un reflet, bien souvent délirant et fiévreux, de l'inconscient collectif, libéré des contraintes liées à la réalité physique. Elle permet de produire des images absurdes, insensées, elle fixe les images furtives qui peuplent nos rêves ou nos cauchemars, ces images qu'on a souvent du mal à cerner ou à appréhender au réveil parce qu'elles sont trop absurdes.»
Ces derniers temps, l’utilisation de l’IA dans l’art ne cesse de bousculer les frontières entre création, innovation et technique. Il y a quelques semaines, le MAH organisait avec les Bibliothèques municipales de Genève, un week-end explorant les IA visuelles et les liens entre mots et images, dont des tables rondes autour de la place de l’IA dans l’art et au sein des musées. L’an dernier, le Museum of Modern Art (MOMA) à New York, exposait Unsupervised – Machine Hallucinations une œuvre de l’artist Refik Anadol. En s’appuyant sur l’IA, l’œuvre interprétait les données de la collection et intégrait des éléments en temps réel (lumière, acoustique, météo) pour créer une projection d’une œuvre qui explorait la fantaisie, l'hallucination et l'irrationalité. L’artiste ira même jusqu’à diriger le premier musée consacré à l’art généré par intelligence artificielle qui ouvrira ses portes en 2025 à Los Angeles.
Si l'IA peut donner naissance à de nouvelles œuvres d'art, elle peut également insuffler une nouvelle vie à celles du passé. « C’est un peu comme visiter le musée sous hallucinogène, » dit Tonetti à qui l’IA ne fait pas peur. Il la voit comme un outil encore en développement, un stylo innovant dont il peut se servir pour créer. L’artiste a choisi ce nouveau medium pour interagir avec ces œuvres historiques et jouer avec les codes.
« J’adore le clash entre la rigidité et l'académisme des tableaux et la liberté que permet cet outil révolutionnaire naissant, totalement disruptif même s'il est encore imparfait, » explique l’artiste pour qui la création avec l’IA demande aussi un peu de patience pour obtenir ce qu’on recherche créativement. « Bien souvent, l'IA n'en fait qu'à sa tête ; elle peut être désobéissante, voire récalcitrante. Arriver à un résultat satisfaisant peut prendre du temps. Elle pousse à creuser son propre imaginaire, trouver des moyens de formuler correctement ses attentes et délires. Ce processus exhorte finalement à se libérer de sa propre prison mentale et à explorer des nouvelles pistes mystérieuses insoupçonnées. »