Joko, star Londonienne
La vie de Joko est connue. Alors qu’il vit à Bornéo, il y est capturé pour être emmené en Angleterre en 1817. Il est exhibé à Londres, à l’Exeter Exchange, un bâtiment qui héberge depuis 1773 une ménagerie privée faisant concurrence à la ménagerie royale, installée dans la Tour de Londres au XIIIe siècle. En 1818, Edward Cross (1774-1854), un entrepreneur au sens commercial aiguisé, rachète l’Exeter Exchange et le rebaptise pompeusement Royal Grand National Menagerie. Or pour que l’affaire marche, il faut des animaux rares et spectaculaires. Quand Agasse fait son portrait, Joko est la coqueluche du public. L’artiste fréquente volontiers la ménagerie de Cross, y trouvant ce dont il bénéficiait dans sa jeunesse à Paris : l’équivalent de la Ménagerie du Jardin des Plantes.
La réussite de Cross a son revers, car les animaux souffrent de conditions de vie déplo[1]rables et les critiques finissent par pointer – la Society for the Prevention of Cruelty to Animals a été fondée en 1824. L’Exeter Exchange ayant été démoli en 1829, l’entrepreneur doit trou[1]ver un autre lieu; il ouvre les Surrey Zoological Gardens à Kennington, dont l’architecture de fer et de verre anticipe la modernité du Crystal Palace. Ce nouveau zoo fait concurrence au Royal Zoo de Regent’s Park, inauguré en 1828. Le portrait de Cross, peint par Agasse en 1838 (coll. part.), raconte cette réussite.