Faiblement creusé, le bassin dit «de Mars» du Musée d’art et d’histoire faisait partie, avec une aiguière – une cruche à eau –, d’un nécessaire de toilette. L’aiguière se positionnait sur la partie centrale, ornée d’un médaillon représentant Mars, le dieu romain de la guerre. Le riche décor fait moins de ce bassin un objet utilitaire que de prestige. Et permet aujourd’hui d’observer tout un monde miniature datant de la fin du XVIe siècle.
Quatre scènes pour quatre allégories
Le motif du médaillon central donne son nom au bassin: il montre Mars, reconnaissable à son casque, son armure anatomique – elle imite la musculature – et à ses armes. Autour, sur l’ombilic, quatre médaillons sont ornés des allégories de la paix (pax, à droite), de l’abondance (abundantia, en haut), de la guerre (bellum, à gauche) et de la jalousie (invidia, en bas). Des figures féminines tiennent les symboles des concepts abstraits qu’elles incarnent. Rameau d’olivier pour la paix, armes pour la guerre, champs de blé et guirlandes de fruits pour l’abondance, serpents pour la jalousie. Il faut regarder le cadre dans lequel elles se tiennent: cité en flammes pour la guerre, jardins bien ordonnés pour la paix ou encore belle cité et cultures prospères pour l’abondance.
Sur le marli, le bord extérieur, huit médaillons font alterner des personnifications des continents et des héros antiques, modèles pour les hommes du XVIe siècle. Chaque continent est illustré par une figure au vêtement évocateur, une architecture, une végétation et un animal. Ainsi, le chameau et le cèdre évoquent-ils l’Asie ou l’éléphant et le palmier l’Afrique.
AMERICA!
Mais le plus intéressant est sans doute le médaillon de l’Amérique en bas à gauche. La figure couronnée de plume est assortie de l’inscription «AMERICA». Un continent au nom tout frais, puisque ce n’est qu’à partir de 1507 que les Indes occidentales, découvertes par Christophe Colomb, reçoivent le nom d’Amérique, en l’honneur d’Amerigo Vespucci, un autre découvreur!
Quant aux héros antiques, ils comptent parmi les plus illustres. César est au sommet, assis sur un drapeau symbole de ses conquêtes. À son opposé, en bas du plat, Cyrus, le Perse. À gauche, Alexandre le Grand fait pendant à Ninus, le mythique fondateur de Ninive qui orne le côté droit. Pégase, ours, hydre et lion ailé les accompagnent respectivement.
À ce foisonnement d’images pourtant strictement organisé s’ajoutent des rinceaux, des mascarons, des grotesques qui remplissent les interstices entre les médaillons. Aucun risque de se noyer dans ce bassin mais dans son décor, c’est moins sûr! Il est sans doute inspiré des dessins ou des estampes de l’orfèvre et ornementiste Étienne Delaune.
François Briot, à qui l’on doit le moule de ce plat fameux, vivait à Montbéliard vers 1580. Le moule est réalisé en bronze, sans reprise de ciselure. On y fond ensuite l’étain pour réaliser un nombre limité de bassins, avant de la casser!
Le plus drôle, c’est que ce précieux témoignage de l’art et de l’esprit du XVIe siècle a été trouvé dans une vigne près de Thonon!