Des monstres antiques aux machines de Tinguely, les enfants de la Maison de quartier Chausse-Coq construisent leur Minotaure mécanique lors d’un atelier créatif original…
Depuis 2012, le Musée d’art et d’histoire travaille en étroite collaboration avec les Maisons de quartier genevoises. Grâce au soutien de la Fondation Gandur pour la Jeunesse, une médiatrice culturelle accueille gratuitement les Maisons de quartier tout au long de l’année pour des visites ludiques écrites spécifiquement pour les enfants de 4 à 12 ans.
Monstres et compagnie
Il fait déjà chaud quand les trente enfants de la Maison de quartier Chausse-Coq arrivent au musée… Le groupe s’attend à une matinée effrayante. Le titre de la visite contient en effet beaucoup de promesses: Monstres et compagnie!
C’est par le sanglier de Calydon que commence notre périple. Les enfants comprennent rapidement qu’avec les monstres il est souvent question de dieux vexés! Dans la salle égyptienne, nous observons des dieux aux actions monstrueuses: de la terrible Sekhmet à la dévoreuse Ammout en passant par l’étrange Bès.
Puis, apogée de la visite, nous nous asseyons devant un vase attique à figures noires représentant Thésée et le Minotaure. Dès les premiers mots, l’histoire passionne l’auditoire et le silence se fait dans la salle des antiquités grecques… Chacun imagine les traits du roi Minos qui, par excès d’arrogance, trahit le dieu Poséidon. Un enfant chuchote «il n’aurait jamais dû…» Effectivement: celui-ci se venge sur la reine Pasiphae en la faisant tomber éperdument amoureuse d’un taureau blanc! Grimace de dégoût sur le visage des enfants… Lorsque l’histoire les entraîne vers Dédale qui construit une vache en bois à l’intérieur de laquelle se cache la Reine pour s’accoupler avec le taureau, les enfants dubitatifs me regardent un sourcil levé: «C’est pas possible!»… Mais la mythologie rend l’impensable possible!
De cette étrange union naît le Minotaure, un homme à tête de taureau. Le groupe se lève pour observer ce monstre sur le vase grec. Puis se rassoit pour écouter la terrible suite… En Crête, Dédale construit un labyrinthe où emprisonner le monstre, affamé de chair fraîche. Pour le nourrir, Minos réclame au roi d’Athènes, Égée, le sacrifice d’Athéniens, vengeant ainsi la mort de son fils dans une guerre passée. Ainsi, tous les neuf ans (selon Apollodore, tous les ans d’après Virgile), sept jeunes hommes et sept jeunes femmes sont tirés au sort à Athènes pour être sacrifiés au Minotaure. Thésée, le fils du roi, décide d’y aller et de vaincre le Minotaure. Égée, éploré, lui demande de mettre des voiles blanches à son bateau en cas de retour victorieux afin qu’il puisse se réjouir avant son arrivée sur les côtes grecques. Lorsqu’il arrive en Crête avec les autres Athéniens, Thésée est accueilli par le Roi Minos et sa fille Ariane… qui tombe instantanément folle amoureuse de lui. Un rire railleur jaillit du groupe d’enfants: de 9 à 11 ans, les coups de foudre font rire! Pour aider le beau Thésée, Ariane lui donne un fil afin qu’il ne se perde pas dans le labyrinthe. Et, lors d’un violent combat, Thésée tue le Minotaure! Puis il s’enfuit du labyrinthe avec les autres Athéniens et Ariane qui vient leur ouvrir la lourde porte.
Lors de leur voyage de retour, ils font une pause sur une île sur laquelle ils oublient la princesse crétoise. «C’est horrible!», «C’est grâce à elle qu’il a gagné!», «J’aurais préféré que le Minotaure mange Thésée…», s’offusquent les filles du groupe, alors que les garçons affichent un petit sourire narquois… Mais comme Thésée oublie de mettre les voiles blanches à son bateau pour prévenir son père de sa victoire, Egée se jette dans la mer. Une petite consolation pour les filles de la Maison de quartier Chausse-Coq…
Les enfants partent ensuite à la recherche des centaures et des sirènes sur d’autres vases exposés. «Les sirènes, elles ont des queues de poisson normalement!?» Le groupe a du mal à se défaire de l’image nordique des sirènes, mais l’histoire effrayante de ces créatures antiques au corps d’oiseau finit par les convaincre…
À l’étage, nous parlons de dragons et de licornes médiévales puis nous terminons la visite par la découverte de Ronds et carrés éclatés de Tinguely. Les enfants voient toujours dans cette œuvre colossale un immense mammouth mécanique! Ils observent les rouages, l’enchaînement des mouvements et retrouvent différents éléments qui ont été recyclés par l’artiste. Mais déjà la visite se termine et les enfants sortent du musée des histoires plein la tête. «À tout à l’heure!», crient-ils.
Création d’un Minotaure mécanique
Deux heures plus tard, nous nous retrouvons dans la cour du musée avec l’artiste Marylène Bon. Celle-ci a créé dans son atelier une machine en forme de Minotaure à la façon de Tinguely. De la déchetterie aux garages de ses amis, elle a utilisé de vieilles machines cassées ou inutilisée pour créer ce monstre mécanique aux rouages multiples: un tornado, des roues de vélo, des feux de camion, un échafaudage… Après trente heures de travail, le monstre mécanique est fin prêt. Reste aux enfants à le dessiner et à le compléter. Pour cela, Marylène Bon a amené avec elle plusieurs objets recyclés et différentes parties de vélos et autres machines. Les trente enfants se prennent vite au jeu: tout le monde dessine, assemble et tourne autour de cette étrange créature sous le regard interloqué des personnes dégustant un café dans la cour!
Trois heures plus tard, le TerMinotaure est terminé. Sa mâchoire s’active lorsque les enfants pressent le frein, les rouages prennent vie quand ils tournent les pédales et sous ce corps d’acier gît un fil noué par les filles du groupe en hommage à la belle Ariane abandonnée!
Cette œuvre d’art collective est aujourd’hui exposée dans la salle Pradier (niveau 0, salle 2) du MAH, aux côtés de deux autres créées par les Maisons de quartier des Eaux-Vives et Asters-Servette: Si c’est vache, je suis chèvre! et Paon médusé? Celles-ci ne prennent vie que si vous activez leurs rouages. Alors venez vite les découvrir!
Et si vous avez envie d’en construire une ou d’assister à l’un de ces ateliers, sachez que tous les enfants seront invités à créer une dernière machine monstrueuse pendant la semaine de patates en compagnie de l’artiste Marylène Bon (programme détaillé dès le 15 septembre sur notre site internet).