La première monnaie carolingienne de Genève entre au MAH
À la fin du VIe ou au début du VIIe siècle, la frappe de la monnaie semble échapper à un contrôle strict du pouvoir royal et l’on voit apparaître pour la première fois le nom de Genève sur des monnaies. Ce sont alors de petits tiers de sou en or.
Premier roi (751-768) de la dynastie carolingienne, Pépin le Bref va profondément réformer le monnayage des Francs en remplaçant les petites monnaies d’or et d’argent par de beaux deniers dont le poids minimum est bien défini. Il restaure aussi, en 755, le monopole royal sur la production monétaire dont il récupère probablement les bénéfices.

Argent, 1,18 g ; surfrappe. Achat 2021, avec l’aide de Numismatica Genevensis SA. ©MAH, photo: F. Bevilacqua, inv. CdN 2021-0054
Atelier maintenu à Genève
La même année, Pépin le Bref passe par Genève avec son armée alors qu’il vole au secours du pape Étienne II, fortement menacé par les armées des Lombards. Est-ce à ce moment-là qu’il institue un atelier monétaire à Genève ou est-ce simplement pour maintenir une tradition qui, au-delà des productions mérovingiennes, datait déjà de l’établissement des rois burgondes à Genève? L’atelier, en tout cas, sera maintenu sous Charlemagne, comme en témoigne un beau denier conservé par la Bibliothèque nationale de France et sur lequel on lit très distinctement GENE-VA.
Une lecture délicate
Sur ce premier denier de Pépin, le nom du roi apparaît sous forme de monogramme. Au premier abord, on voit simplement RPx, mais en regardant plus attentivement, on constate que les jambes du R et du P, liées en bas forment un N. De plus (est-ce volontaire ou un défaut dû à la surfrappe?), les boucles supérieures ne sont pas collées comme si l’on avait voulu indiquer que le R et le P contiennent des I. Sur le même principe, on peut penser que le R contient un P et l’on obtient tout le début du mot PIPIN(us)! Le R à gauche et le x à droite encadrent le nom par le titre: R(e)x, le mot latin pour roi.
Mais, au revers, le nom de Genève n’est pas immédiatement compréhensible. L’attribution a du reste été longtemps discutée avant d’être acceptée aujourd’hui très largement. Pour le comprendre, il faut passer par un autre exemplaire découvert à Imphy dans la Nièvre, en 1857. Sur le revers de celui-ci, on comprend que la première lettre est un G et que l’on peut lire GENU. Est-ce l’abrégé de la forme Genua qu’on trouve dans un texte de 773 ou plutôt la forme germanique Genv (Genf)?

Un patrimoine sauvé pour Genève
Acquise aux enchères en 2002, cette monnaie a alors rejoint la plus importante collection de monnaies genevoises jamais constituée par un privé et devait maintenant être remise en vente. Cependant, soucieuse de maintenir ce patrimoine dans notre cité, la famille du collectionneur a accepté de la céder au MAH qui ne possédait encore aucune monnaie carolingienne frappée à Genève.
Et un intérêt scientifique considérable
Cette monnaie est une surfrappe: on distingue clairement, sur les deux faces, les restes d’un motif antérieur. Conservée dans une collection publique et ainsi accessible aux chercheurs, cette pièce pourra être analysée plus finement pour tenter de retrouver l’ancien type monétaire et aider ainsi à l’établissement d’une chronologie des monnaies de Pépin, encore très méconnue.
Pour en savoir plus:– Grierson, L. Travaini, M. A. S. Blackburn, The medieval European coinage : with a catalogue of the coins in The Fitzwilliam Museum, Cambridge 1986.
– de Longpérier, « Notices sur cent deniers de Pépin, de Carloman et de Charlemagne trouvés près d’Imphy en Nivernais », Revue numismatique III (1858), p. 202-262.
– Martin, « Denier de Charlemagne attribué à Genève », Gazette numismatique suisse 27-107 (août 1977), p. 68-69.