Un Bon Pasteur originaire de Goa, au Musée d’art et d’histoire

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Quand les artistes indiens interprétaient l’iconographie catholique

Alors que nous organisions une exposition célébrant le cinquantenaire de l’Inde, en 1997, Léon Schubiger, ancien responsable du dépôt du Musée d’art et d’histoire et fin connaisseur de ce pays, nous a signalé que le MAH possédait un petit ensemble d’ivoires d’origine indienne. Ces objets furent alors inventoriés et brièvement étudiés pour être publiés dans le catalogue L’esprit de l’Inde dans les collections des Musées d’art et d’histoire. Il n’a cependant pas été possible de remonter jusqu’à leur provenance exacte; sans doute ont-ils fait partie des fonds réunis par Gustave Revilliod.

Les icônes catholiques selon les artistes indiens

Parmi ces œuvres, nous avons sélectionné une petite statuette du Bon Pasteur, évoquant la rencontre entre les Portugais catholiques et les artistes de l’Inde. En effet, de ce métissage culturel est né tout un art de la petite statuaire précieuse représentant des Crucifixions, des Vierges à l’Enfant, des saints. De tout ce panthéon créé par les artisans de Goa émerge, par sa fréquence, la figure du Bon Pasteur. Les exemples en sont nombreux, peut-être parce que cette image faisait déjà partie, en quelque sorte, du répertoire iconographique de l’Inde.

Le Bon Pasteur, statuette, Goa, XVIIe siècle. Ivoire, H. 17,5cm; l. 5cm; Pr. 4,5cm © MAH, photo B. Jacot-Descombes, inv. AA-1997-141
Le Bon Pasteur, statuette, Goa, XVIIe siècle. Ivoire, H. 17,5cm; l. 5cm; Pr. 4,5cm
© MAH, photo B. Jacot-Descombes, inv. AA-1997-141

Ainsi, on rapproche ce type de Bon Pasteur de Bouddha, car il montre le même visage plein et la même expression, aux yeux clos et au doux sourire méditatif. Mais on évoque également Krishna, une des grandes divinités de l’Inde brahmanique, considéré comme étant la huitième incarnation de Vishnu. De nombreux textes épiques retracent son histoire. Il est souvent considéré comme le «berger d’amour» et on le représente fréquemment en berger adolescent.

Joyau du métissage artistique et culturel

La composition pyramidale des statuettes du Bon Pasteur, en étages superposés meublés de sujets divers, n’est pas sans rappeler l’architecture de certains temples du sud de l’Inde dont les ivoiriers et orfèvres de Goa se sont inspirés. Au sommet de la pyramide composée d’un paysage rocheux, Jésus est assis, jambes croisées, un agneau sur l’épaule, un autre sous son bras. Vêtu d’un pourpoint Renaissance, il porte une musette et une gourde. De même que son costume, ses cheveux courts et bouclés l’identifient à un Occidental. Au pied de la pyramide, Marie-Madeleine, désignée par de longs cheveux ondulés et un flacon de parfum, est allongée près de la croix du Golgotha, placée sur le crâne d’Adam selon la tradition.

Tous ces détails évoquent une culture religieuse métissée, construite à partir du riche patrimoine indien au contact de la Renaissance occidentale. On retrouve le même phénomène sur des couvre-lits matelassés indo-portugais, dont notre musée possède un exemple daté de 1646, ou encore plus tard sur des miniatures à sujet musulman, de l’Inde moghole, qui s’inspireront de l’iconographie chrétienne.

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