Un autoportrait rarissime de Jean-Étienne Liotard

Tous les articles de Blog Imprimer la page

Une prestigieuse acquisition pour les Arts graphiques

À l’automne 2019, le MAH se portait acquéreur du Portrait de Madame Sophie de France du célèbre peintre genevois Jean-Étienne Liotard (1702-1789). Dans le blog qu’elle lui consacrait, la conservatrice-en-chef Lada Umstätter soulignait que le MAH possédait de cet artiste «la totalité – à une exception près – de son œuvre gravé». Cette lacune est aujourd’hui presque comblée avec l’acquisition de ce premier autoportrait gravé par Liotard auprès d’une galerie parisienne¹. Il est à découvrir actuellement au 2e étage du MAH, dans la salle consacrée aux pastels et dévolue cette année au fabuleux ensemble d’autoportraits de l’artiste suisse.

Le genre de l’autoportrait a souvent été pratiqué par Liotard. Sa production comprend vingt autoportraits peints, dessinés ou sur émail, dont sept se trouvent dans les collections publiques genevoises (six au MAH, un à la Bibliothèque de Genève). En d’autres termes, la collection de la Ville de Genève est la plus représentative au monde.

Jean-Étienne Liotard (1702-1789), Autoportrait, dit «la main au menton» (grande version), vers 1779.
Manière noire, roulette et eau-forte sur vergé, état II/II. 610 x 460 mm. Achat, 1884.
©MAH, photo: A. Lonchamp, inv. E 86-0005

Liotard a également gravé deux autoportraits: l’un à la fin de sa vie vers 1779, dit «à la main au menton», dont il existe une grande et une petite version, toutes deux dans les collections du MAH, et l’autre, un autoportrait de jeunesse vers 1730-1733, dont la présente acquisition est un exemplaire.

Il s’agit plus précisément d’une contre-épreuve, c’est-à-dire d’un tirage réalisé en pressant une feuille vierge sur une épreuve fraîchement imprimée. Ce procédé permet d’obtenir une version sur papier semblable au dessin gravé sur la plaque (c’est-à-dire non inversée) et d’en faire la comparaison. En effet, l’estampe porte la mention «dapres nature», ce qui indique vraisemblablement que Liotard a gravé directement son portrait sur la plaque vernie, sans l’aide d’un dessin préparatoire, face à un miroir. La contre-épreuve lui permet donc de vérifier son image et de placer exactement les modifications qu’il souhaite apporter à la plaque avant un nouveau tirage.

Jean-Étienne Liotard (1702-1789), Petit autoportrait, vers 1730-1733.
Eau-forte, contre épreuve, état I/III. 123 x 107 mm. Achat, 2021.
©Galerie Sarah Sauvin, inv. E 2021-0686

Liotard jeune, une rare vision

Il n’existe aucun tirage connu du premier état de la gravure, uniquement deux contre-épreuves. L’une appartient à la collection de la Fondation Custodia, à Paris, et l’autre, jusque-là inédite, fait désormais partie du patrimoine genevois. Seuls cinq exemplaires du deuxième état (comportant des ajouts dans la chevelure, le visage et le fond) sont connus dans le monde aujourd’hui² auxquels s’ajoute un exemplaire unique du troisième état (Bibliothèque nationale de France). Cette représentation de jeunesse de Liotard est donc extrêmement rare.

Dans cette eau-forte, Liotard se représente de trois-quarts, en gros plan, âgé d’environ trente ans, le regard tourné vers le lointain, contrairement à tous ses autres autoportraits où il fixe le spectateur. En col de chemise, les cheveux au naturel, pris sur le vif et presque étonné, l’artiste offre un aspect plus juvénile que dans son autoportrait suivant, daté de 1737 et réalisé à Florence.

Jean-Étienne Liotard (1702-1789), Autoportrait, dit «de Florence», 1737.
Pastel sur papier gris-bleu marouflé sur bois. 380 x 247 mm. Achat, 1934
©MAH, photo: B. Jacot-Descombes, inv. 1934-0012

Au cours de sa carrière, l’artiste ne réalise qu’une quinzaine d’estampes. À la différence de ses manières noires réalisées dans les années 1770 et de ses estampes plus tardives, Liotard utilise ici une ligne très libre, avec des traits courts et de grands espaces laissés blancs. Il apporte ainsi spontanéité et légèreté à son œuvre, à la manière d’un dessinateur plutôt que d’un graveur professionnel.

¹ Il ne manque plus à la collection d’estampes du MAH pour être complète que le portrait gravé par Liotard de Jean-Étienne Goupil.
² Bibliothèque nationale de France, Paris ; Rijksmuseum, Amsterdam ; The Metropolitan Museum of Art, New York ; The British Museum, Londres ; Château de Versailles, Versailles.

Nous serions ravis de vous entendre

N'hésitez pas à nous contacter si vous avez des idées sur cet article.