Succès et reflets

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Communion avec la nature

Des nuages ponctuent le ciel de leur douce forme et de leur cotonneuse matière au-dessus du lac de ses débuts, à Thoune. Le jeune Ferdinand y poursuit son apprentissage à la fin des années 1860 chez le peintre de vues alpestres Ferdinand Sommer, après une première formation auprès du peintre-décorateur Gottlieb Schüpbach.

Hodler se dit épris depuis l’enfance de ce qu’il appelle «la substance de la nature», une nature avec laquelle il entretient un rapport quasi mystique. Il vit d’autant plus intensément cette communion après le succès européen de son exposition à la Sécession viennoise de 1904, qui lui permet d’oublier enfin les soucis matériels. Libéré de la contrainte de courir les concours, Hodler s’offre des escapades alpestres, y fait moisson de croquis, puis compose en atelier ces paysages qui occupent alors la plus grande part de sa production artistique.

En 1905, dans ce Lac de Thoune aux reflets symétriques, il applique au paysage de ses années d’apprentissage toute sa maîtrise et ses théories compositionnelles. Construite selon une double symétrie axiale, à la fois verticale et horizontale, l’oeuvre incarne à elle seule le concept de parallélisme tel que défini par Hodler dans sa conférence de 1897, La mission de l’artiste. Il désigne par ce terme la répétition d’un motif ni tout-à-fait semblable, ni tout-à-fait autre, visant à créer un rythme et à provoquer une émotion chez le spectateur. Ici, les nuages se partagent ce rôle avec les courtes lignes horizontales blanches, doublées de bleu ou de vert d’eau, figurant le clapot troublant la surface du lac et ondulant le reflet des montagnes.

Ferdinand Hodler (1853-1918), Le Lac de Thoune aux reflets symétriques, 1905.
Huile sur toile, 80,2 x 100 cm © MAH Genève, photo : B. Jacot-Descombes Inv.1939-33

La palette est réduite : camaïeu de bleus dans lequel s’invitent quelques verts – celui franc et naturel de la rive herbeuse, ceux presque céladon des stries sur la surface lacustre – et quelques traces rougeâtres et pourpres, renforçant la minéralité de la roche. Les traces d’occupation humaine, la cité sur la rive et ses rares arbres sont à peine esquissés. Seules les beautés de la création importent.

Comme Hodler le dit dans La mission de l’artiste: «[l’artiste] nous montre une nature agrandie, simplifiée, dégagée de tous les détails insignifiants. Il nous montre une oeuvre qui est selon la mesure de son expérience, de son cœur et de son esprit.»

Texte tiré de l’ouvrage Hodler, lignes de vie par Isabelle Burkhalter, série « Promenades », Musée d’art et d’histoire, 2018.

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