Un prêt exceptionnel
Fait rarissime, la Sabina Poppæa, œuvre-phare des collections du Musée d’art et d’histoire, est en partance pour Zurich. Le précieux portrait doit figurer dans l’exposition L’Europe à la Renaissance. Métamorphoses 1400-1600, qui aura lieu du 1er août au 27 novembre 2016 au Musée National Suisse. Exposé de façon permanente depuis 1910, le tableau n’a quitté les salles du musée que quatre fois en un siècle, lors d’expositions à Paris en 1937 et en 1972/1973 ainsi qu’à Milan en 1939.
Concédé au terme de plus de 40 ans passés au MAH, le prêt dont fait l’objet la Sabina Poppæa est ainsi tout à fait exceptionnel. Il était en effet impensable pour ce tableau iconique de manquer l’exposition inaugurale de la toute nouvelle extension du Musée National Suisse. Celle-ci se propose de montrer la manière dont la Renaissance s’est répandue en Europe par le biais d’échanges culturels intenses et de l’établissement de foyers artistiques en dehors de l’Italie, tel ce noyau d’artistes italiens parmi lesquels figurent Rosso Fiorentino, le Primatice et bien sûr Léonard de Vinci, tous appelés par le roi François Ier pour décorer le château de Fontainebleau.
Une œuvre à succès
La Sabina Poppæa, tableau représentant l’épouse de Néron, figure parmi les œuvres les plus importantes du musée genevois. Peinte à mi-corps, elle défie le spectateur de son regard franc, de sa beauté saisissante et de son sourire subtilement ironique. Jouant de ses mains et de ses bras pour feindre un geste de pudeur, elle révèle sa nudité qui est dévoilée par le jeu de transparence du voile et par l’effet de lumière projeté sur elle, contrastant avec un fond uni et sombre.
Le tableau a suscité de nombreuses interprétations quant à son attribution, sa datation et le modèle consacré. S’il existe diverses copies et variantes, l’original semble bien être celui de Genève. Le type de figure et le style rattachent l’artiste anonyme à un proche de François Clouet. Datée généralement vers 1550-1560, la Sabina Poppæa fait partie d’un groupe de compositions de maîtres anonymes, dépendant de l’École de Fontainebleau, qui s’inspirent du thème de la Dame à sa toilette et de la Dame au bain. Il s’agit probablement d’un portrait de Diane de Poitiers: un portrait idéalisé sous les traits d’une courtisane inspirée d’une version nue de la Joconde de Léonard de Vinci – invité de François Ier à Fontainebleau -, ou dérivant directement des portraits sculptés antiques.
En 2013, la Sabina Poppæa a fait l’objet durant plusieurs mois d’un important traitement de restauration-conservation mené au sein des ateliers du Musée d’art et d’histoire et d’un colloque qui n’a malheureusement pas pu donner des réponses définitives à toutes ces interrogations.
Cette pièce maîtresse de la collection du Musée d’art et d’histoire n’a pas fini de nous dévoiler tous ses secrets…
Cette texte a été adapté avec l’aide de Brigitte Monti et Victor Lopes à partir de celui de Barbara Oplé, paru dans 100 objets, guide de visite (Musée d’art et d’histoire, 2010).