Morions et cabassets gravés retrouvent une seconde jeunesse
Préserver le patrimoine qui lui a été confié, telle est l’une des missions principales d’une institution muséale. Le MAH ne faillit pas à la tâche, et c’est toute une équipe de spécialistes qui œuvre en coulisses à la conservation des différentes collections.
En ce qui concerne le domaine des armures et des armes anciennes, l’année 2013 a vu l’achèvement d’une ambitieuse campagne de restauration de la collection des armes d’hast – terme qui s’applique à toute arme dotée d’une longue hampe se terminant par un fer qui peut prendre les formes les plus variées, telle la hallebarde. Cette année, c’est un bel ensemble d’une cinquantaine de casques gravés du dernier tiers du XVIe siècle qui a retrouvé une seconde jeunesse grâce au savoir-faire d’Aline Michel et d’Antonin Tarchini, conservateurs-restaurateurs spécialisés dans les œuvres en métal.
Ces casques, qui nous viennent de l’ancien Arsenal de Genève, ressortent de deux types principaux: le morion et le cabasset. Leur usage se généralise dans toutes les armées européennes au cours de la seconde moitié du XVIe siècle pour se prolonger jusqu’à la fin du siècle suivant.
Le morion se caractérise par son timbre élevé, surmonté d’une crête plus ou moins haute, et par ses bords relevés à l’avant et à l’arrière, affectant de profil la forme d’un croissant. Cette disposition garantissait à son porteur une excellente visibilité, tout en offrant une bonne protection latérale, le morion se portant enfoncé jusqu’à la racine du nez. Quant au cabasset, très prisé en raison de sa légèreté, il présente un timbre ovoïde fréquemment terminé par un ergot pointé vers l’arrière et de petits bords plats. Quelques exemplaires enfin présentent une forme hybride, combinant le timbre caractéristique du cabasset et les bords arqués du morion.
L’excellence de l’Italie
Dans leur grande majorité, les casques de cette série ont été produits dans le nord de l’Italie, pays qui conserva dans leur exécution une perfection que ni les ateliers allemands, ni les français ne parvinrent à égaler. Une perfection soulignée en particulier par leur réalisation à partir d’une seule pièce d’acier, les casques allemands étant pour leur part constitués de deux moitiés rivées longitudinalement. Certains conservent encore leurs garde-joues, attachés sous le menton à l’aide de jugulaires en cuir, ainsi qu’un porte-plumail en métal doré, fixé à l’arrière. Quant aux rivets ornementés parsemant le bord inférieur du timbre, ils servaient à fixer la garniture interne en toile rembourrée qui permettait d’amortir les coups tout en procurant un certain confort d’utilisation.
Morions et cabassets, souvent laissés «blancs» ou simplement noircis pour les hommes de troupe, ont également servi, comme les armures qu’ils accompagnaient, de support aux ornementations les plus diverses, selon le rang et la fortune de leur commanditaire. Ce sont, pour les pièces les plus luxueuses, de foisonnantes compositions travaillées en repoussé, ciselées, damasquinées de métal précieux ou encore rehaussées d’émaux; moins fastueuses, d’autres se paraient de décors gravés, à l’instar des exemplaires du musée actuellement en cours de restauration.
Sur les pièces de ce type, fruits d’une production déjà relativement standardisée, les gravures exécutées selon la technique de l’eau-forte témoignent néanmoins, par leur grande diversité, de la virtuosité et de la fantaisie des maîtres graveurs italiens. À l’intérieur d’un cadre défini par de savants entrelacs, des damiers, des listels ou des médaillons ornementés, se presse tout un répertoire iconographique hérité de la Renaissance tardive, les moindres espaces étant habités de petites scènes mythologiques, de figures allégoriques, de guerriers à l’antique, de grotesques, d’animaux fantastiques, de rinceaux, de mascarons, de guirlandes, de draperies, de trophées d’armes et d’instruments de musique…
Sous la main du restaurateur, c’est tout un monde qui reprend ainsi vie, nous permettant d’apprécier à nouveau dans toute leur fraîcheur ces décors estompés par la patine du temps.
Le public intéressé aura l’occasion d’en savoir davantage, le 28 janvier prochain, sur ces casques et sur les techniques mises en œuvre pour leur restauration lors d’un prochain entretien du mercredi présenté conjointement avec Aline Michel au Musée d’art et d’histoire.