Mécénat et conservation-restauration des œuvres d’art au Musée d’art et d’histoire

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Le plus souvent associé aux expositions temporaires, le mécénat s’est discrètement intéressé, ces dernières années, à la problématique de la conservation-restauration des œuvres d’art au sein du Musée d’art et d’histoire. Cet intérêt s’est porté sur les infrastructures nécessaires au développement des ateliers et sur les œuvres de la collection de peinture.

Mécénat et infrastructures

Pour permettre l’étude matérielle des œuvres et veiller à leur conservation, le Musée d’art et d’histoire abrite dix ateliers de conservation-restauration. Leurs missions principales se concentrent sur le traitement des œuvres, leur examen technique et leur documentation. Pour garantir des interventions d’un haut niveau de qualité, il est indispensable de recourir à des conservateurs-restaurateurs spécialisés et de pouvoir compter sur des équipements techniques adaptés aux opérations de restauration. Ces équipements sont tout d’abord constitués par l’espace même de travail – l’atelier – où s’organise l’ensemble des traitements, complété par des instruments scientifiques (loupes binoculaires), du matériel photographique, du mobilier spécifique (table mobile, table aspirante, chambre humide, étuves, chevalets), des installations de protection des collaborateurs (armoire à solvants, hottes aspirantes, douche anti-feu) et enfin d’un outillage professionnel adapté à chaque domaine de la conservation-restauration.

Transférés en 2002 dans le bâtiment des Casemates, presque tous les ateliers de conservation-restauration ont bénéficié d’une modernisation de leurs installations, à l’exception de l’atelier des arts graphiques, situé au dernier étage du bâtiment de la promenade du Pin, fermé en raison des travaux de rénovation. Il fallut attendre 2006 pour que l’atelier, délocalisé au Centre d’iconographie genevoise (CIG), soit rapatrié et entièrement rénové sous l’impulsion de Christophe Cherix, alors conservateur du Cabinet des estampes, et de Véronique Strasser, conservatrice-restauratrice d’art graphique. Soulignons que l’ensemble des travaux d’aménagement et l’acquisition d’un matériel spécifique à la conservation des œuvres sur papier ont été rendus possibles par le généreux don du collectionneur et mécène genevois Jean Bonna.

Le soutien de la Société des Amis du Musée d’art et d’histoire (SAMAH) a permis d’équiper, en 2007, l’atelier de conservation-restauration de peinture d’une table aspirante, doublée d’une chambre d’humidification. Sitôt mis en service, cet équipement moderne nécessaire aux traitements structurels des supports de toile et de bois a largement contribué à l’importante campagne de restauration et de revalorisation de la collection flamande et hollandaise des XVIIe et XVIIIe siècles, entreprise entre 2006 et 2009.

Mécénat et peinture

À ce jour, en matière de conservation-restauration, seules les collections de peinture ont bénéficié d’un financement de la part de mécènes, qu’ils soient individuels ou institutionnels. La première initiative revient à la Fondation BNP Paribas Suisse qui, conseillée par Paul Lang, alors conservateur des collections beaux-arts, a soutenu en 2004 le traitement de restauration du Portrait d’Élisabeth Charlotte de Bavière, duchesse d’Orléans, princesse Palatine du Rhin que réalisa en 1713 le peintre de cour Hyacinthe Rigaud (Perpignan 1659 – Paris 1743) et dont l’état de conservation était préoccupant.

Cette première collaboration va déboucher sur un programme régulier de restauration et permettre ainsi le traitement de l’une des rares œuvres attribuées au peintre nordique Jan Wellens de Cock (Leyde ? vers 1480 – Anvers, avant 1527): la Tentation de saint Antoine, présentée à l’occasion de l’exposition La naissance des genres en 2005. Suivra entre 2008 et 2009 le traitement fondamental du Repos de Diane, œuvre de collaboration de Pierre Paul Rubens (Siegen 1577 – Anvers 1640) et Frans Snijders (Anvers 1579 – id. 1657), alors considérée comme une copie française du XVIIe siècle. Cette importante opération, qui aura mobilisé pendant près d’une année les compétences d’une équipe de conservateurs-restaurateurs spécialisés, s’inscrit à nouveau dans un projet plus vaste de revalorisation des collections, présentées au public lors de l’exposition L’art et ses marchés en 2009-2010.

Haycinthe Rigaud, « Portrait d’Elisabeth Charlotte de Bavière, duchesse d’Orléans, princesse Palatine du Rhin », vers 1713, © MAH, photo: B. Jacot-Descombes, inv. 1843-3

Le soutien de cette même institution bancaire va encore permettre le traitement, en 2010, d’un corpus de cinq œuvres du peintre hollandais Bram van Velde (Zoeterwoude 1895 – Grimaud 1981) et en 2011 la restauration de la Mise au tombeau peinte à Venise vers 1575-1580 par Paolo Caliari, dit le Véronèse (Vérone 1528 – Venise 1588). Cette campagne a été complétée par un programme de médiation auprès du public malvoyant et aveugle.

Le soutien de la Fondation Hans Wilsdorf a permis de réaliser l’étude matérielle et le traitement de conservation-restauration de l’œuvre emblématique de nos collections: les deux volets peints en 1444 par Konrad Witz (vers 1400-avant 1447) pour la cathédrale de Genève. Ainsi, une équipe de conservateurs-restaurateurs de peinture a pu être engagée sur une période de neuf mois, de juillet 2011 à mars 2012. Le traitement a été accompagné d’une étude complète des matériaux constitutifs des panneaux (pigments, laques, liants) permettant d’élargir nos connaissances des techniques picturales pour cette période charnière de l’histoire de l’art et de veiller à la sauvegarde de ce monument du patrimoine genevois.

Epilogue

Les exemples présentés ici soulignent l’intérêt croissant des institutions privées pour la conservation du patrimoine muséal. Ces actions concrétisent l’engagement social et culturel d’entreprises ou de particuliers, dont la générosité permet de développer des projets de sauvegarde des œuvres et de contribuer ainsi à la mission première du Musée d’art et d’histoire: la conservation de ses collections. Il serait toutefois déraisonnable de considérer cette aide comme une source de financement acquise, qui aurait comme effet pervers le progressif désengagement financier des pouvoirs publics en matière de gestion et de conservation du riche patrimoine dont ils ont la responsabilité.

Texte paru dans Genava, la revue des Musées d’art et d’histoire de Genève, n°60, 2012

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