Concept muséal ?

Le concept muséal, tel que défini par l’Association des musées suisses (AMS), consiste en un document de référence qui précise « la stratégie du musée dans chacun de ses domaines d’activité ». Ce rapport prend donc en considération toutes les missions du musées (collections, expositions, recherche, médiation culturelle, management, communication…), pour définir une politique muséale spécifique et établir des axes de travail à court et à moyen terme.

L’élaboration d’un concept muséal constitue à ce titre un élément essentiel au développement du projet MAH de demain.

La nécessité de son développement est pour une part méthodologique. C’est en effet au cours de ce travail qu’apparaissent de nombreux besoins techniques attachés aux activités futures du musée, définissant du même coup des pans entiers de son programme architectural.

Ce concept muséal envisage par ailleurs (et peut-être surtout) la pertinence et l’efficience de long terme d’un projet de grande envergure. Cet enjeu impose donc au musée d’adopter une posture prospective, attentive aux transitions démographiques, technologiques, environnementales ou encore culturelles aujourd’hui à l’œuvre, ainsi qu’à l’ensemble des « signaux faibles » qui dessinent le monde des décennies à venir. Cette attention permet aussi d’évaluer comment le MAH restauré et agrandi pourra contribuer aux évolutions urbaines souhaitables pour Genève.

Cette projection volontaire, si elle régénère l’acuité du regard que l’équipe du musée porte sur les évolutions de la société, ne constitue pas pour autant une science exacte. Aussi, puisque personne ne sait ce à quoi ressembleront le monde et les musées du futur, le MAH a-t-il choisi de développer une méthodologie spécifique qui tient notamment compte du temps long nécessaire au développement du projet en jeu.

Méthode : itération, concertation, expérimentation

Le concept muséal du MAH de demain n’est donc pas un dossier « bouclé ». Sur la couverture de son édition de 2022 est d’ailleurs portée la mention « version 1 », indiquant en creux que d’autres lui succèderont dans les années à venir afin de préciser et d’approfondir progressivement certaines orientations.

Le processus retenu est en effet itératif.

Un premier temps de travail, conduit en 2021, a d’abord permis de fixer une sorte de « ligne d’horizon » en formalisant une mission, une vision, des valeurs et des objectifs au MAH de demain.

Cette charte institutionnelle (dénomination AMS), a par la suite donné lieu à un ensemble de travaux (réunions formelles, séminaires et autres ateliers) destinés à l’exploration et à l’appropriation de ses termes, ainsi qu’à l’examen de leurs implications dans l’ensemble des domaines d’activité de l’institution. Cette démarche de collaboration interne s’est par ailleurs vue élargie une première fois à la société civile, dans le cadre de séances de concertation avec différentes parties prenantes du projet. D’autres rencontres de ce type seront organisées par la suite.

L’approche méthodologique choisie pour dessiner le MAH de demain complète cette dimension conceptuelle d’une démarche plus empirique et plus expérimentale. Plusieurs années sont en effet offertes au musée d’ici à l’aboutissement de son projet. Elles donnent au MAH la possibilité d’expérimenter in vivo certaines orientations afin d’en évaluer la faisabilité et la portée. Les initiatives qui font la preuve de leur efficience se voient ainsi intégrées au concept muséal tandis que les autres s’en voient écartées.

Ce protocole « crash test » a d’ores et déjà permis le déploiement d’une nouvelle approche tarifaire (Paie ce qu’il te plait en substitution d’un tarif prescrit), l’aménagement d’un Tiers Lieu (le GamMAH), celui d’un espace de consultation de la collection, une évolution des horaires d’ouverture… D’autres expériences suivront dans les années à venir, notamment tournées vers les outils numériques de médiation et vers le concept de musée multifréquence, central au projet (cf infra).

Orientations : La collection d’un musée multifréquence

Le concept muséal du MAH de demain, détaillé dans le rapport accessible ici, distingue deux axes essentiels.

Le premier considère la collection du musée au titre de l’ensemble qu’elle constitue. Dépassant la sectorisation historique des différents domaines qui structurent ce fonds, le MAH de demain entend réexplorer cette collection au jour des contextualisations réciproques qu’elle autorise. Le musée à venir s’appliquera en outre à porter des regards nouveaux sur les œuvres et sur les objets qui composent cet ensemble en réinterrogeant notamment leurs différentes valeurs artistiques ou d’usage. Cette approche plus horizontale de la collection ouvrira la voie à de nouvelles interprétations. Elle permettra le redéploiement des stratégies d’enrichissement et la conduite de projets de recherche nouveaux, adossés à une infrastructure de conservation et d’étude adaptée.

La proposition faite à ses publics par le MAH de demain s’appliquera à répondre au rôle référentiel des musées en termes de culture partagée et de conservation des modèles. Elle veillera également à former l’œil et l’esprit critique des visiteurs. Par ailleurs, soucieux de rompre avec l’image autoritaire et trop souvent dissuasive attachée au musée, le MAH de demain s’attachera à provoquer une variété de modalités de rencontre avec les œuvres. Celles-ci seront définies comme autant de fréquences qui s’adresseront à différents types de publics, eux-mêmes animés par une variété de motivations de visite au musée. Les espaces du MAH de demain, élargiront donc la notion d’exposition en incorporant d’autres usages que ceux de la seule contemplation. Cette approche permettra ainsi une omniprésence des œuvres partout dans le musée, mais également un rayonnement de l’institution et de sa collection au-delà de ses murs.

L’objectif du MAH de demain, tout comme la méthode d’élaboration de son concept muséal, demandent finalement à être examinés sous l’angle du temps long et de la continuité plutôt que sous celui d’une quelconque rupture. La réussite de ce projet se trouvera en effet à la croisée d’une pertinence à l’égard des publics, des artistes et des chercheurs des décennies à venir et de la volonté de faire fructifier et de relire l’héritage historique et artistique qui nous est transmis.