Louise Breslau en trois tableaux

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À découvrir jusqu’à la mi-novembre à l’étage beaux-arts du MAH

Le Musée d’art et d’histoire possède trois peintures de Louise Breslau qui sont actuellement présentées ensemble, dans un accrochage temporaire, à l’étage beaux-arts (salle 422). Chacune de ces œuvres est intimement liée à la biographie de l’artiste et met en relief une étape différente de sa vie.

Louise Breslau

Née en Allemagne, Louise Breslau (Munich, 1856 – Neuilly-sur-Seine, 1927) passe toute son enfance à Zurich. À l’âge de dix-neuf ans, elle part pour Paris afin d’étudier la peinture. En tant que femme, elle n’est pas autorisée à entrer à l’École des beaux-arts, que ce soit en Suisse ou en France. Elle choisit donc l’Académie Julian, un établissement privé fort renommé, qui possède alors le premier atelier réservé aux «dames». C’est aussi le seul endroit à Paris où les futures artistes ont la possibilité d’étudier d’après le nu, un enseignement essentiel au XIXe siècle.

Dès le début de sa carrière, Breslau se consacre principalement au portrait et se montre particulièrement à l’aise dans la représentation des enfants. Les premières années, par manque de moyens, elle fait poser sa famille, ses connaissances et ses amis. Par la suite, elle gagne sa vie en représentant des membres de la bourgeoise et de l’aristocratie. Un succès critique précoce et de nombreuses commandes lui permettent de vivre de son art, ce qui à l’époque est exceptionnel pour une femme non mariée.

En dépit de cette célébrité, elle tombe dans l’oubli après sa mort, un destin fréquent chez les femmes artistes. Louise Breslau garde la nationalité suisse toute sa vie; elle reste constamment en lien avec son pays d’adoption, même si ce dernier se montre moins enthousiaste face à son art que la France. Sa postérité a certainement aussi pâti de son ancrage entre deux patries. La Suisse lui rend enfin hommage en 2001, lors d’une importante rétrospective organisée par le Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne.

Portrait des amis

Louise Breslau (1856-1927), Portrait des amis, 1881
Huile sur toile, 85 x 160 cm. Achat, Fonds Diday, 1883
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes, inv. 1883-0002

En 1879, alors qu’elle a terminé sa formation, Louise Breslau emménage avec deux amies artistes, Sophie Schaeppi (Winterthur, 1852-1921), une compatriote qu’elle a connue à l’Académie Julian, et l’Italienne Maria Feller, qui se destine à être actrice. Dans le Portrait des amis, Breslau se représente en compagnie de ses colocataires et de son chien. Sophie Schaeppi occupe le centre du tableau, un porte-mine et un carnet de croquis dans les mains. Breslau, de dos, est installée à son chevalet. Elle tient une tasse à café dans la main gauche et elle observe ses amies. Les regards des protagonistes ne se croisent pas, ce qui crée un effet de distance entre elles. L’année de son exécution, l’œuvre est acceptée au Salon à Paris, où elle rencontre beaucoup de succès, puis montrée à celui de Bruxelles. L’année suivante, elle figure à l’exposition d’été de la Royal Academy of Arts de Londres et, en 1883, elle est présentée à l’Exposition nationale suisse qui a lieu à Zurich. C’est à cette occasion que le Musée d’art et d’histoire en fait l’acquisition. Cette toile de Breslau est la première à être achetée par une institution.

Portrait d’Henri Le Crosnier

Louise Breslau (1856-1927), Portrait d’Henri Le Crosnier, 1882
Huile sur bois, 65 x 55 cm. Legs Madeleine Zillhardt, 1952
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes, inv. 1952-0001

En 1882, l’artiste fait le portrait du jeune esthète Henri Le Crosnier, dont la pose est très probablement inspirée du Portrait de M. Henri Rochefort d’Édouard Manet (Paris, 1832-1883) qu’elle a pu voir au Salon l’année précédente. Le fond neutre de la toile ainsi que le cartouche portant la dédicace et la signature rappellent les tableaux de Hans Holbein le Jeune (Augsburg, 1497/98 – Londres, 1543) que Breslau a admirés dans sa jeunesse au Kunstmuseum de Bâle, en particulier les portraits de Bonifacius Amerbach (1519) et d’Érasme écrivant (1523). Breslau a dédié l’œuvre à son modèle, qui trois ans plus tard deviendra le mari de son amie Maria Feller.

L’Artiste et son modèle

Louise Breslau (1856-1927), L’Artiste et son modèle, 1921
Huile sur toile, 105 x 113,5 cm. Legs Madeleine Zillhardt, 1952
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes, inv. 1952-0002

De la courte union entre Maria Feller et Henri Le Crosnier naît une fille qui, dix-huit ans plus tard donnera à son tour naissance à une fille lors d’un bref mariage. En 1920, cette dernière, prénommée Hélène, est recueille par Breslau. La jeune fille est alors âgée de treize ans et elle devient le modèle favori de ses dernières années. C’est elle qui, posant à côté de la peintre dans L’Artiste et son modèle (1921), lance aux spectateurs un regard espiègle. Il s’agit du dernier autoportrait de Breslau. Cette œuvre, ainsi que le Portrait d’Henri Le Crosnier, ont été légués au musée par Madeleine Zillhardt qui fut la compagne de l’artiste pendant quarante ans.

L’auteure tient à remercier Dr. Anne-Catherine Krüger, spécialiste de Louise Breslau.

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