Les musées sur le parcours de la Course de l’Escalade
Le Musée d’art et d’histoire et l’Escalade font bon ménage. Ce ne sont pas les jeunes Genevois qui vous diront le contraire, eux qui, cette année encore, à l’occasion des Mercredi Family auront l’occasion d’admirer les échelles des Savoyards, le portrait de la Mère Royaume ou le traditionnel accrochage des aquarelles de La Nuit de l’Escalade de l’artiste neuchâtelois Edouard Elzingre (1880-1966). On associe en revanche moins facilement le Musée d’art et d’histoire à la Course de l’Escalade qui animera ce samedi 3 décembre la Vieille-Ville; sport et culture ont souvent tendance à s’opposer dans nos esprits ou ceux de nos élites. Et pourtant, à l’entame du relief sinueux de la colline de Saint-Pierre, nombreux – plus de 45 000 sont attendus cette année – sont les participants essoufflés qui passent devant l’institution centenaire de la rue Charles-Galland, sous les encouragements discrets des Calame, Diday ou Petitot.

À regarder de plus près le parcours de la course la plus populaire de Suisse, le lien entre le Musée et la Course ne se limite pas au bâtiment sorti de l’esprit de Marc Camoletti. De la promenade du Pin aux contours de la place de Neuve en passant par la Vieille-Ville, toute l’institution est à la fête ce jour-là, au cœur de l’événement sportif.
Du Cabinet d’arts graphiques à la Maison Tavel en passant par le MAH
Tout commence avec les premières foulées: au débouché des rues de la Croix-Rouge et Beauregard, le peloton en délire et en baskets se sent pousser des ailes. C’est sans compter sur la présence du Cabinet d’arts graphiques qui propose, jusqu’au 29 janvier 2017, de partir à la découverte de Gérald Cramer et ses artistes: Chagall, Miró, Moore. À coup sûr, les monotypes et les xylographies de ces génies du XXe siècle en feront voir de toutes les couleurs à ces coureurs qui se croient encore munis d’un courage à toute épreuve...

Cabinet d’arts graphiques des MAH, Genève © Successió Miró / 2016, ProLitteris, Zurich
Un petit tour par la rue François-Le-Fort et revoilà la silhouette de la maison-mère. En haut des marches, la promesse de Châteaux forts et chevaliers. Genève et la Savoie au XIVe siècle rappelle la performance sportive en 2013 d’un chercheur de l’Université de Genève qui avait pris le départ de la course en armure de plates, démontrant ainsi la capacité des chevaliers à se mouvoir facilement malgré leur lourde panoplie. Pour l’heure, il n’est pas question de rééditer ce fol exploit et de finir dans le décor… du château de Cruet. L’exposition vous attendant jusqu’au 19 février 2017, on pense d’abord à son souffle, à ses pieds – grecs, romains ou égyptiens, peu importe – et à finir la course! Pour le cheval et l’épée, on verra après. Demain peut-être?

Au public à l’enthousiasme débordant du Bourg-de-Four, succèdent les sourires béats et les yeux écarquillés des mascarons de la Maison Tavel. Supporters de molasse contenus, ces visages anonymes ornant la façade de la plus vieille demeure de Genève regardent du coin de l’œil chaque édition de la Course de l’Escalade débouler sur la rue du Puits-Saint-Pierre. C’est dans les combles de cette ancienne maison forte, après avoir gravi trois volées d’escaliers plus pentus les uns que les autres – un bon entraînement en soi –, que les participants les mieux préparés et les plus ambitieux seront venus reconnaître quelques jours plus tôt le tortueux parcours à la lumière du célèbre relief Magnin.
Au Musée Rath, la ligne d’arrivée est proche
Enfin, voilà la Tertasse et les derniers hectomètres. Devant le Musée Rath, courant à s’en faire exploser le foie, les athlètes d’un jour ont soudain le souffle coupé. Une nouvelle exposition temporaire fait frémir: Le Retour des Ténèbres. L’imaginaire gothique depuis Frankenstein. Tous tentent d’échapper alors dans un même élan au chronographe et à la créature née sous la plume de Mary Shelley durant l’été pluvieux de 1816. Par chance, l’horreur touche bientôt à sa fin, le dénouement est proche. Aux ténèbres succède la lumière des spots de la ligne d’arrivée.

©MAH, photo: F. Bevilacqua, inv. MF 0151
Il est alors temps de récupérer son prix. Un verre, un linge-éponge, une tasse bariolée? Qui sait? Peut-être que cette année, comme c’était le cas lors des jeux de l’Antiquité, des amphores à figures noires remplies d’huile récompenseront les coureurs les plus rapides…
Texte de Jean-Quentin Haefliger, guide-conférencier aux MAH