Les instruments de musique sous la loupe (III)

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Après avoir survolé la collection d’instruments de musique du Musée d’art et d’histoire et s’être attardé sur l’importance des facteurs de musique à Naples entre la fin du XVIIe siècle et la première moitié du XXe, pleins feux sur la famille Fabricatore et ses multiples talents.

Les Fabricatore formaient une famille d’éditeurs, de copistes, de facteurs et de marchands d’instruments de musique, active à Naples entre la fin du XVIIIe siècle et la fin du XIXe. Leurs instruments sont présents dans tous les plus importants musées d’instruments de musique, comme le Metropolitan Museum of Art, le Museum of Fine Arts de Boston, ou encore la Cité de la musique à Paris.

Le Musée d’art et d’histoire possède une guitare de Giovan Battista (1750-1830), le «fondateur» de la famille, avec son frère Nicola, ainsi qu’une guitare et une mandoline de son neveu Gennaro I (1760-1844).

Guitare à six cordes, Giovan Battista Fabricatore, Naples, 1797
Guitare à six cordes, Giovan Battista Fabricatore, Naples, 1797 © MAH, inv. 018406

Deux guitares, deux sensibilités

Les deux guitares sont assez différentes: la caisse de l’instrument de Giovan Battista est bien plus étroite et le modèle du chevalet est celui que l’on retrouve sur les guitares de la période baroque, alors que l’instrument de Gennaro I s’éloigne du modèle de son oncle et adopte des caractéristiques des instruments du siècle à peine commencé qui possèdent une caisse plus large et des cordes fixées au chevalet avec des petites chevilles.

Mais ces guitares ont également des points communs – très napolitains – évidents: l’abondant recours à la nacre et à l’écaille pour les décorations de la touche ainsi que la réalisation du mastic à l’aide de la gomme-laque fondue. On peut aussi observer la répétition de certains motifs (par exemple des motifs floraux) à différentes époques, sur des instruments différents. Il est intéressant de relever que les instruments napolitains, même de facture modeste, possèdent toujours des décorations. Dans certains cas, si on y regarde de très près, on distingue des éléments très fins de décoration, décoration conçue pour être harmonieuse et agréable dans son ensemble.

Mandoline napolitaine, Gennaro I Fabricatore, Naples, 1792, © MAH, inv. IM 0084
Mandoline napolitaine, Gennaro I Fabricatore, Naples, 1792, © MAH, inv. IM 0084

Comme dans certaines régions d’Espagne (Cadiz et Séville), on construit à Naples, pendant tout le XIXe siècle, des instruments «archaïques», soit des objets très en retard sur le plan de la technologique, si on les compare à des instruments construits, à la même époque, à Paris ou à Barcelone.

L’artisan et l’entrepreneur

Si Giovan Battista fut un luthier qui a travaillé la plus grande partie de sa vie dans son atelier du S. Maria dell’Ajuto 32, son neveu Gennaro I fut également un chef d’entreprise et un entrepreneur.

Il hérita de la «carteria» de son père et, dès 1833, commença à imprimer des publications musicales, des réductions pour pianoforte – soit des réécritures de partitions pour moins d’instruments – et des «hits» de l’époque. À partir de 1834, il se lança dans une fructueuse collaboration avec Domenica Barbaja: cet homme étonnant, qui avait commencé sa carrière comme serveur dans une cafeteria, était l’imprésario du Teatro S. Carlo et du Teatro alla Scala à Milan, où il avait introduit – grande nouveauté – les jeux de hasard et la roulette.

Cette collaboration permit à Gennaro I Fabricatore de devenir l’adjudicataire des impressions et des éditions des Reali Teatri et d’acquérir les droits des œuvres musicales présentées au Teatro S. Carlo (pour l’Italie et l’Allemagne). Il les céda par la suite à l’éditeur milanais Giovanni Ricordi, éditeur entre autres de Rossini et Verdi.

La maison d’édition ferma ses portes en 1890.

Emanuele Marconi, conservateur-restaurateur

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