Le «paradigme perdu» et la stèle de Ptolémée

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Cette année, le Musée d’art et d’histoire est un des lieux d’accueil d’Archipel – Festival des musiques d’aujourd’hui. Ainsi, deux jours durant, musiciens et médiatrice entameront un dialogue entre sons et œuvres des collections du musée.

Une des thématiques qui traverse la programmation de l’édition 2014 d’Archipel – Festival des musiques d’aujourd’hui sous le titre de paradigme perdu est l’abandon de l’accord en douze demi-tons égaux, qui a profondément marqué les compositeurs de notre temps. Or cet accord est une «fiction mathématique», un système harmoniquement faux que notre oreille perçoit comme juste.

Depuis la période baroque, le tempérament égal était devenu une règle sacro-sainte dans la musique savante occidentale et ce jusqu’au XXe siècle. À ce moment, le spectralisme – ou le courant de la Just intonation theory et sa recherche des harmoniques naturels, dont Harry Partch était un précurseur – vient la briser.

Si ces explorations harmoniques froissent parfois les oreilles trop formatées par deux cent ans de tempérament égal, il n’en demeure pas moins qu’elles sont une révolution au sens propre, c’est-à-dire un tour complet, un retour au tempérament non égal qui prévalu depuis Pythagore jusqu’à Bach.

Les collections du Musée d’art et d’histoire comportent plusieurs instruments de musique et objets archéologiques qui permettent de le rappeler, raison pour laquelle il accueille en ses murs certaines manifestations d’Archipel le samedi 22 et le dimanche 23 mars.

Stèle de Ptolémée le géomètre, IIIe ou IIe siècle av. J.-C., © MAH, photo: F. Bevilacqua, inv. 027937

La stèle funéraire Ptolémée enseignant ou l’intimité de la musique et de la mathématique dans la Grèce antique exposée dans la salle des antiquités grecques du MAH provient du Nord de la Grèce et date du IIIe ou du IIe siècle avant Jésus-Christ. Altérée par une longue exposition en plein air, brisée à l’époque moderne (raison de deux importantes lacunes, l’une au fronton, l’autre à la base), elle nous montre une scène faisant référence à la profession du défunt. Quoique les figures aient été martelées dans l’Antiquité, l’épisode représenté est bien compréhensible.

À gauche, un homme portant un vêtement drapé est assis sur un tabouret rembourré, les pieds sur un repose-pied. Il tend son bras droit en direction d’un tableau quadrillé. À droite, un enfant est debout sous le tableau, faisant fasse à l’homme.

Il n’est pas difficile de lire une scène d’enseignement, avec un professeur interrogeant un élève. Sur le tableau figure la table de multiplication, les chiffres étant représentés par des lettres. Au centre, touchant le bord supérieur de l’image, se trouve une cithare. La proximité de la table de Pythagore et de l’instrument évoque les liens étroits entre musique et mathématique, disciplines complémentaires dans l’enseignement antique. L’inscription Ptolémée géomètre, c’est-à-dire «versé dans la géométrie» confirment cette lecture.
Si la gamme dite pythagoricienne – reposant sur les quintes justes – aurait en réalité été développée par les élèves du mathématicien, c’est bien elle qui prévaut jusqu’à la Renaissance.

Quelques instruments sortis des réserves

Le festival Archipel sera aussi l’occasion de découvrir quelques instruments de musique sortis des réserves du musée, comme une épinette de Claude Dufour (vers 1670) ou un fortepiano de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, présenté non loin du superbe clavecin de Jacob Stirnemann de la Fondation la Ménestrandie.

Archipel – Festival des musiques d’aujourd’hui
Musée d’art et d’histoire
Samedi 22 et dimanche 23 mars à 14h
Entrée libre, sans réservation

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