Le fonds Galeries Moos au MAH

Les archives très prisées de grandes galeries genevoises

Arrivé au MAH en cinq dépôts successifs échelonnés sur 38 ans (de 1977 à 2015), le fonds Galeries Moos a finalement fait l’objet d’un don au musée en 2022. Très demandé dans le cadre des recherches de provenance, il contient une documentation riche et diversifiée qui comprend des catalogues, registres de tableaux, photographies, correspondance, expertises… Le fonds est le dernier vestige des galeries tenues par Max Moos, Georges Moos et Maryam Ansari entre 1906 et 1986 à Genève.

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Les débuts de Max Moos dans le marché de l’art

Né à Baden en 1880 et arrivé à Genève en 1906, Max Moos fréquente le milieu artistique genevois dès 1910. La Maison Moos, qu’il ouvre en 1906, est à l’origine un magasin de gravures et de cartes postales. Par la suite, elle se diversifie, notamment dans la fabrication d’encadrements. Avec ce nouveau service, Max Moos expose des tableaux dans ses vitrines du Rue du Rhône, 29.

En 1913, il ouvre sa première galerie, au Grand Quai, 10 (l’actuel Quai Général-Guisan), qui prend le nom de Galerie Moos en 1914. Max Moos se marie en 1909 avec la belle-sœur de William Kundig, Fanny Levy, et obtient sa citoyenneté genevoise en 1913. Il expose beaucoup d’artistes genevois et suisses, notamment Ferdinand Hodler, Otto Vautier et Maurice Barraud.

Les expositions se succèdent rapidement. Pour chacune, il fait imprimer un catalogue d’exposition à une centaine d’exemplaires, souvent préfacé par Lucienne Florentin, journaliste pour La Suisse et l’une des critiques d’art les plus connues de son époque. D’ailleurs, les archives de Lucienne Florentin (ses écrits et sa correspondance) font également partie des fonds d’archives conservés au MAH.

Ses activités s’accroissent durant la Première Guerre mondiale, avec le retour à Genève d’artistes suisses comme Alice Bailly et la fermeture du Musée Rath, mis à la disposition de l’Agence internationale des Prisonniers de guerre. Sa galerie devient donc un lieu privilégié de l’art à Genève.

Photographie de Max Moos, Fanny Moos et Lucienne Florentin en 1933

Photographie de Max Moos, Fanny Moos et Lucienne Florentin (à gauche) lors d’une exposition consacrée à François Barraud à la galerie Moos, Rue du Léman 3, Fonds Galeries Moos, ©MAH, photo: Cl Bernès, Marouteau & Cie, 1933 ou 1935.

Catalogues d'exposition de la Galerie Moos

Catalogues d’exposition de la galerie Georges Moos, Fonds Galeries Moos, ©MAH, inv. BAA GMO B-002-001

La galerie d’art la plus vaste de Suisse

Poussé par le succès de sa galerie, Max Moos lance en 1917 une opération de grande envergure. Il rachète un immeuble au Rue du Marché 13 et ouvre une galerie sur trois étages, avec onze salles d’exposition. C’est alors à l’époque la plus vaste galerie d’art en Suisse, qu’il inaugure en 1918:

«J’ai tenté […] de créer une galerie comme il n’en existe ni en Suisse, –ni en Europe. J’ai tenté d’offrir aux peintres des salles variées, solennelles ou intimes; aux sculpteurs, un local où la lumière soit celle-là même qu’ils ont dans leurs ateliers; aux décorateurs, la place à laquelle ils ont droit […]. Tels sont mes buts. Ils dépendent moins de moi que des artistes et du public; et je crois que je les atteindrai» (Max Moos, «Préface», Exposition suisse des beaux-arts, Galerie Moos, Genève, 1918, pp.3-4.).

À côté des artistes suisses, c’est avant tout la scène artistique française qui est mise en valeur par ces expositions. Bonnard, Courbet, Matisse, Monet, Picasso, Pissarro, Renoir, van Dongen, van Gogh, Vuillard, etc. sont parmi les artistes proposés régulièrement.

Galerie Moos en 1918

Galerie Moos, Rue du Marché 13 à Genève en 1918, Fonds Galeries Moos, ©MAH, photo: Louis Pricam (1872-1946), numérisé par la BAA en 1999.

Galerie Moos en 1918

Galerie Moos, Rue du Marché 13 à Genève en 1918, Fonds Galeries Moos, ©MAH, photo: Louis Pricam (1872-1946), numérisé par la BAA en 1999.

Il propose dès 1920 des ventes aux enchères pour tenter de rentabiliser au mieux sa galerie, qui coûte plus qu’elle ne rapporte. Touché à son tour par la crise économique d’après-guerre, Max Moos est contraint de revendre sa galerie en 1921. Il part pour Paris, mais n’y reste qu’un an. Très peu d’informations existent sur cette année en France. Il n’y a d’ailleurs dans les archives, qu’un catalogue d’exposition de 1922 qui témoigne de l’existence d’une Galerie Moos à Paris au 14, rue La Boétie.

Max Moos revient ensuite à Genève et ouvre une nouvelle galerie au Quai du Mont-Blanc, 31. Il y organise des expositions plus modestes et monte une exposition permanente d’œuvres de Hodler. Dès 1927, il ouvre un deuxième espace au Rue du Léman, 3. Il exerce aussi une activité de ventes aux enchères, allant jusqu’à proposer plus de 400 tableaux par vente.

Registres des tableaux de la galerie Moos

Registres des tableaux de la galerie Georges Moos, Fonds Galeries Moos, ©MAH, inv. BAA GMO B-001-001-001 et BAA GMO B-001-001-002

Les galeries Moos durant la Seconde Guerre mondiale

En 1939, Max Moos et sa femme partent aux États-Unis pour le mariage de leur fille, Madeleine. La guerre éclate en Europe et Max reste sept ans loin de Genève au lieu des quelques semaines prévues. C’est son fils Georges qui assure l’intérim à la galerie.

Georges Moos est né en 1912 à Genève. Il officie comme commissaire-priseur depuis 1934. En assurant la gérance de la Galerie Moos, il organise plusieurs ventes des biens de son père afin de financer son séjour aux États-Unis.

En parallèle, il ouvre également sa propre galerie au Rue Diday, 12 en 1941: la Galerie Georges Moos. Il porte un intérêt particulier aux artistes suisses contemporains (tels que Fernand Dubuis, Adolphe Milich, Claire-Lise Monnier, Willy Sutter…) et organise des expositions d’artistes réfugiés à Genève pendant la guerre (comme Balthus en 1943 et Chana Orloff en 1945). Dès 1945, il ouvre un salon d’art contigu à sa galerie pour les ventes aux enchères, et une succursale à Zurich en 1948.

La fermeture des deux galeries Moos

À son retour en 1946, Max Moos ferme sa galerie de la rue du Léman, et organise encore quelques expositions au quai du Mont-Blanc. Ses activités diminuent fortement dans les années 1950. La décennie suivante, il fait encore quelques expositions à son domicile, également situé au Quai du Mont-Blanc, 31. La dernière qui soit documentée par ses archives date de 1965, soit onze ans avant son décès et la fermeture de sa galerie.

Georges Moos quant à lui, déménage sa galerie au Grand-Rue, 2 à Genève en 1961. La même année, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres. Il exerce son métier jusqu’en 1967, puis sa galerie est reprise par Maryam Ansari, fille de Marguerite Planque que Georges Moos épouse en 1969. Au décès de son père, Georges s’occupe de toute la succession des biens. Il décède en 1984 et Maryam Ansari gère la Galerie Georges Moos jusqu’en 1986, date de sa fermeture.

Les archives Moos : un intérêt toujours grandissant

Le premier dépôt d’archives Moos a lieu en 1977: Georges Moos confie à la Bibliothèque d’art et d’archéologie du MAH une partie des archives de son père. D’autres dépôts sont effectués entre 1985 et 2015 par Maryam Ansari-Rodari et son mari Florian Rodari, les ayants droit de Georges Moos. Florian Rodari donne ensuite l’ensemble du fonds au MAH en avril 2022, dix ans après le décès de Maryam.

L’entier du Fonds Moos, dans la salle de consultation de la BAA pour son conditionnement.

L’entier du Fonds Moos, dans la salle de consultation de la BAA pour son conditionnement, ©MAH, 2022.

Une autre partie du fonds a été donnée au MAH par l’historien de l’art Paul-André Jaccard en 2008. Il contient des documents qui lui ont été confiés par Georges Moos en 1983 et qui concernent les liens entre la Galerie Moos et Ferdinand Hodler.

Le fonds Galeries Moos contient 28 boîtes d’archives, pour un total de 3586 documents. Désormais conditionné et inventorié, il est parti en numérisation en novembre 2022 et est revenu au MAH le 16 janvier 2023. La présence de nombreux documents comptables et des registres de tableaux, inexistants pour d’autres fonds du même genre, en font une source très précieuse pour la recherche en histoire de l’art, surtout pour les années 1933-1945.

Les archives contiennent d’ailleurs la trace de demandes variées pour la consultation du fonds à partir de 1984. Ces derniers six mois par exemple, ce ne sont pas moins de huit chercheurs et chercheuses, suisses et internationaux, qui se sont déplacés pour une consultation, ou ont écrit au MAH pour avoir des renseignements (et quatre durant ses deux mois d’absence!). L’actuelle numérisation du fonds permettra à terme une consultation en ligne, afin de répondre de manière plus efficace aux nombreuses demandes que le MAH reçoit chaque année, demandes souvent liées à la recherche de provenance qui est devenue une pratique courante et durable autant dans les institutions muséales suisses et internationales que dans les maisons de ventes aux enchères.

Archives

Ville de Genève, MAH, Fonds Galeries Moos, n° d’inventaire BAA GMO, 1912-2012.

Bibliographie

Jaccard Paul-André, «Le take-off du marché de l’art en Suisse romande durant la Première Guerre mondiale», Traverse: Zeitschrift für Geschichte, vol. 9, 2002.
Jaccard Paul-André, «La Galerie Moos à Genève et Hodler: la quête d’un monopole», Outlines, vol. 7, 2011.
Mermillod Émilie, L’art français à la Galerie Georges Moos (Genève) de 1941-1945, mémoire de recherche sous la direction d’Hélène Ivanoff et Brigitte Monti, Université Paris-Nanterre, 2022.

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