Le Cabinet de numismatique reçoit un descendant de l’Émir Abd El-Kader

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Tout a commencé par un coup de fil du président de «Genève humanitaire, le Centre de recherches historiques». Remarquablement dynamique, celle-ci vient de publier en un impressionnant volume les procès-verbaux des séances du Comité international de la Croix-Rouge, demeurés inexplicablement confidentiels jusqu’à ce jour. Roger Durand était dans un état communicatif de fébrilité créative: le CICR l’avait chargé de montrer à un hôte illustre les hauts-lieux de la naissance de la Croix-Rouge. Leurs pas devant les mener au Musée d’art et d’histoire et, sachant que le Cabinet de numismatique abrite des trésors cachés… Il s’agissait de montrer au président d’honneur de la «Fondation de l’Émir Abdelkader» basée à Alger, mais au rayonnement international, quelques pièces mettant en relation l’histoire humanitaire et l’Algérie. Possible?

Oui, cela était possible à travers la figure de Napoléon III. Suite à la bataille de Solferino, celui-ci s’était intéressé aux débuts de la Croix-Rouge. Cet empereur des Français très suisse et en particulier genevois (il avait passé sa jeunesse en Suisse et était l’élève du général Dufour) est largement présent dans les collections du Cabinet de numismatique. Il a également marqué de son empreinte la vie de l’Émir Abd El-Kader. Un des premiers actes de son gouvernement avait en effet été de libérer cet illustre prisonnier.

Le sage Abd El-Kader

Avant d’être contraint de se rendre avec honneur, Abd El-Kader avait tenu en échec le colonisateur français en Algérie pendant quatorze ans à la tête d’une petite armée. Chef de guerre – sultan et chef des croyants pour les siens –, il était aussi un soufi, un sage, prônant l’entente entre les religions chrétiennes et musulmanes. Retiré en Syrie après sa libération, il évita, en 1860, au péril de sa vie, un pogrom des chrétiens. Napoléon III le fit alors grand-croix de la Légion d’honneur.

Quelques années plus tard, Napoleon III décora de la Légion d’honneur un autre grand visionnaire, Henry Dunant. Que l’on songe: le héros de l’humanitaire, celui qui allait, à la fin de sa vie, être le premier à recevoir le prix Nobel de la paix, celui qui, aujourd’hui, est universellement connu et reconnu, simple chevalier de la Légion d’honneur! Alors qu’Abd El-Kader, l’Africain, l’ancien ennemi, recevait la décoration la plus élevée, celle qui était jadis réservée aux maréchaux de Napoléon Ier! Pourtant, Napoléon III avait vu juste: Henry Dunant avait encore du temps devant lui et beaucoup à prouver. Abd El-Kader avait accompli son acte d’éclat pour la fraternisation des hommes et des religions. Il faut s’en souvenir aujourd’hui.

Une médaille pour l’Émir

On retrouve la mention de la décoration d’Abd El-Kader sur une grande et belle médaille de 1862, à peine abrégée pour l’adapter à la surface du revers. Ce texte est à la hauteur de l’élévation de sentiments qui dut rapprocher Napoléon III d’Abd El-Kader.
L’artiste n’était autre que le Genevois Antoine Bovy. Devenu quelques années auparavant médailleur de l’empereur, il avait été chargé d’immortaliser dans le bronze la figure d’Abd El-Kader.

Hadj Mohammed Lamine Boutaleb, entouré de Zohour Boutaleb Jazairi, secrétaire générale de la Fondation, de Roger Durand et de Bruce L. Biber, chef de la Délégation du CICR à Alger, tenant le plâtre de l’avers de la médaille
Hadj Mohammed Lamine Boutaleb contemplant le portrait de l’Emir Abd El-Kader

À l’avers, le portrait est d’une saisissante beauté. Je n’oublierai jamais la noblesse de l’émotion de Hadj Mohammed Lamine Boutaleb, assis en face de moi, contemplant les traits d’un aïeul auquel il ressemble, nous remerciant – est-ce concevable? – de nous intéresser à l’histoire de son pays. C’est l’histoire de l’humanité!

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