La prise de Jérusalem par Titus, datée de 1489 environ, est la plus ancienne tapisserie conservée au Musée. Elle représente un épisode de la prise de Jérusalem, en l’occurrence celui de l’assaut final de la ville par les Romains emmenés par le futur empereur Titus, en 70 de notre ère. Le récit en est relaté par l’historien juif Flavius Josèphe (37 apr. J.-C. – 100 apr. J.-C.). Cependant, la source directe de cette tapisserie est une pièce de théâtre écrite au début du XVe siècle par Eustache Marcadé († 1440) et intitulée le Mystère de la Vengeance de Notre Seigneur. Les tapisseries montrant les autres épisodes de ce mystère sont conservées à Vienne, Tournai, Lyon, Florence et Saumur.
Cette tapisserie est un très grand fragment d’une pièce plus importante, ayant mesuré probablement 4,2m de haut et 7m de large, si nous la comparons à d’autres tentures faites à Tournai au XVe siècle. Il faut se représenter une bande courant sur la bordure supérieure, sur laquelle des inscriptions rapportaient en vers français le sujet représenté. Manque également une partie de la silhouette de la ville avec ses défenseurs, constituant une seconde bande horizontale. Les assaillants, venant de la droite, précédaient vraisemblablement un autre groupe ou sortaient de quelque construction militaire. Enfin, une étroite bande comportant des inscriptions en latin complétait la tapisserie vers le bas.
Combat sanglant
L’essentiel de la tenture est occupée par des soldats romains venant de gauche et de droite, s’engouffrant dans l’une des portes de Jérusalem et escaladant les murailles. À leurs pieds gisent les corps inanimés des défenseurs dont on voit quatre têtes dans un amas de murs en bas à droite. Un romain enfonce sa fourche dans le corps d’un soldat juif aux traits négroïdes et coiffé d’un turban. Ce même juif est assailli par un autre soldat romain vu de face qui lui plonge son poignard dans la gorge. En haut à gauche, se déroule une scène indépendante de l’attaque: on voit un homme imberbe, agenouillé, les bras ligotés et placés sur une pierre. Un soldat romain, debout, se prépare à lui trancher les mains d’un coup d’épée. D’autres mains, sanglantes, jonchent le sol. Derrière le malheureux se tient un autre homme barbu, la tête couverte d’un bonnet. Les mains jointes, il attend d’être supplicié à son tour.
Les «patrons» de cet ensemble de tapisseries étaient attribués jusque récemment à Henri de Vulcop, peintre en titre de la reine Marie d’Anjou (1404-1463), par rapprochement avec un ensemble de modèles pour la tenture de la Guerre de Troie, conservés au musée du Louvre. Des découvertes récentes¹ attribuent ces modèles, et par conséquent les patrons de la tapisserie de la Vengeance de Notre Seigneur, au maître de Coëtivy, artiste anonyme que l’on suppose être Colin d’Amiens (dit aussi Nicolas d’Ypres), appartenant à une lignée d’artistes français réputés du XVe siècle.
Texte rédigé d’après une étude de Claude Lapaire
¹voir les publications de Nicole Reynaud, notamment F. Avril et N. Reynaud, Les Manuscrits à peintures en France 1440-1520, Paris, 1993