La plus jolie femme de Paris, tableau peint par James Tissot entre 1883 et 1885, représentant une femme en robe du soir dans un magnifique salon orné de lustres, au milieu d’une foule d’hommes aux regards étincelants, était en mal de cadre. Ce tableau, arrivé dans les collections du Musée d’art et d’histoire en 1998, était en effet bordé d’une simple baguette dorée moderne. Un écrin digne de cette peinture s’imposait donc!

Nous sommes donc partis à sa recherche, dans la collection de cadres que recèlent les réserves du musée. Ce stock comprend des cadres boudés pour leur style ou leur mauvais état de conservation, mais aussi des cadres non attribués, légués au musée ou anciennement séparés de leur tableaux pour des questions de place. Cet ensemble, précieux pour notre collection de peinture, est aujourd’hui parfaitement inventorié, photographié et précisément localisé.
Il fallait, bien sûr, choisir parmi les cadres orphelins dont les dimensions ainsi que le style correspondent à ce tableau français du milieu du XIXe siècle. Tâche ardue mais loin d’être impossible!
Trois solutions ont été proposées à la conservatrice en chef des beaux-arts ainsi qu’au conservateur-restaurateur de tableaux. Sans hésitation et à l’unanimité, le choix s’est porté sur un magnifique cadre Louis XV à double révolution, en bois doré et sculpté, car ce style a largement été utilisé et réinterprété au XIXe siècle, à l’époque de Napoléon III.

Le traitement de conservation- restauration
Le seul obstacle à ce choix était son mauvais état. En effet, des morceaux entiers de bois sculpté manquaient, en partie complétés avant son dépôt au musée, mais dont les lacunes restaient conséquentes sur tous les motifs saillants! Par ailleurs, le cadre était extrêmement sale et poussiéreux.

La première étape a donc été un nettoyage et un refixage de toute la polychromie, afin de retrouver l’éclat perdu de la dorure.

Les parties sculptées lacunaires ont ensuite été complétées à l’aide de moulages. L’empreinte est prise directement sur le cadre, puis moulée avec une pâte de doreur faite de colle de peau de lapin et de craie de Champagne. Les étapes du travail s’enchaînent:






On pose ensuite les deux assiettes (bolus), qui servent à «assoir l’or», la jaune pour les fonds – qui rendra les micro-cassures de la feuille d’or invisibles – et la rouge pour les dessus. On choisit alors une couleur semblable à l’assiette d’origine afin d’éviter les démarcations au moment de la patine.
Une fois ces opérations effectuées, on pose l’œuvre dans le cadre afin de prendre les mesures pour réaliser la marie-louise dorée.

La dorure à la feuille et à l’eau peut alors commencer. On utilise la même technique depuis des siècles: la feuille d’or est posée au moyen de la palette à dorer sur l’assiette préalablement mouillée à l’eau – d’où le nom de la technique: dorure à l’eau.

Quand la préparation n’est pas encore complètement sèche, on passe la pierre d’agate qui, en polissant la surface de l’or, va écraser les grains d’argile contenus dans l’assiette et rendre la surface extrêmement brillante et lisse. Tout le relief apparait alors grâce à l’alternance subtile entre les surfaces laissées mâtes et les surfaces brunies.
Vient ensuite l’étape de la patine au moyen d’un vernis Damar, confectionné en atelier et mélangé à des pigments. L’objectif est de rendre la restauration imperceptible à l’œil et de restituer, par là-même, toute la beauté à la dorure d’origine conservée grâce à ce traitement.

Réalisation de la marie-louise
L’avant dernière étape est la préparation et la dorure de la marie-louise (ou cadre interne) qui est ensuite adaptée au cadre.

Le tableau est finalement encadré, un carton de protection non-acide est fixé au revers afin d’éviter l’accumulation de poussière.
Le grand moment du départ en salle est arrivé, lieu, où vous êtes invités à venir le découvrir!
