Minutieuse description de bijoux de la collection Janet Zakos
Le Musée d’art et d’histoire a eu l’immense privilège de recevoir en donation, au début des années 2000, la collection des antiquités byzantines de Janet Zakos. Exposée dans une salle du rez-de-chaussée du musée qui lui est consacrée, cette collection fait aujourd’hui l’objet d’une publication dans laquelle sont étudiées et présentées ses merveilles, dont cette paire de boucles d’oreilles.
Cette admirable paire de boucles d’oreilles, de provenance inconnue, occupe une place de choix dans la série des boucles de demi-lune, type largement répandu. Elle partage avec elles la forme, la technique du ciselé découpé, ainsi qu’une datation comprise entre la fin du VIe et le milieu du VIIe siècle.
Le décor ajouré percé se déploie à l’intérieur de chaque demi-lune: deux oiseaux se dressent de part et d’autre d’une composition végétale; leurs têtes sont tournées vers l’arrière et semblent becqueter une feuille trilobée. Cette feuille est placée à l’extrémité d’une tigelle, issue d’une palmette centrale à deux volutes rentrantes. Cette dernière est à son tour reliée à une palmette à cinq lobes qui sert de base à l’ensemble de la composition et sur laquelle chacun des oiseaux a posé une patte. Chaque élément du décor est ciselé, poinçonné et, par endroits, repoussé.
Une bordure lisse délimite la scène; elle est ornée sur la courbure extérieure de petits arcs étroits poinçonnés et agrémentée d’un fil perlé soudé sur le bord. Ce dernier est à son tour magnifié par la soudure de cinq globules creux, formés de deux demi-sphères soudées. À la base des globules est soudé, à l’avers et au revers, un petit listel ayant probablement pour fonction de leur assurer une meilleure stabilité. On retrouve à nouveau ce listel, sans doute par souci de finition, aux extrémités de chaque demi-lune; […]. La présence de petits listels et de petits arcs poinçonnés, qui remplacent respectivement les disques ou les sphères et la bordure en pointillés plus habituelle, caractérise du point de vue de l’exécution cette paire de demi-lunes de belle facture.
Variante iconographique rare
Le thème des oiseaux de part et d’autre d’une palmette ou d’un arbre de vie est parmi les plus fréquents dans cette catégorie de boucles d’oreilles. Notre exemplaire propose une variante exceptionnelle de ce thème. Sa singularité tient aux têtes des oiseaux, retournées vers l’arrière, en train de becqueter une feuille, ainsi qu’à la composition végétale qui les sépare et les encadre. Cette iconographie des oiseaux, alliant la position affrontée, est en fait plus particulièrement présente dans les rinceaux animés en double rang tels qu’on peut les admirer dans des pièces d’orfèvrerie exécutées selon la même technique du ciselé découpé. C’est précisément un rinceau qu’évoque la palmette à volutes et à tigelles, tout à fait analogue à celui qui orne d’autres boucles en demi-lune. L’association, quant à elle, de deux types de palmettes dans une composition verticale, inhabituelle pour ces boucles, est attestée dans d’autres pièces à décor ajouré, percé de la même époque.
Une harmonie certaine se dégage de la symétrie des motifs parfaitement agencés et le mouvement des têtes des oiseaux saisis dans l’acte de becqueter confère à l’image une touche de naturaliste qui la libère de la fixité propre à la plupart des boucles de cette typologie.
Texte rédigé par Giustina Ostuni, ingénieure d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Paris, GAM – CRH
Extrait du catalogue raisonné Donation Janet Zakos. De Rome à Byzance, Collections byzantines du MAH Genève, n°3, sous la direction de Marielle Martiniani-Reber, co-édition avec les 5 Continents