Un instrument de musique de luxe
Épaules tombantes et dos plat, cet instrument à cordes possède une silhouette caractéristique qui rend la confusion impossible avec son jeune cousin, le très connu violoncelle. Son manche est muni de frettes, ses ouïes en forme de C et ses sept cordes de boyau dont les plus graves sont filées de métal, sont autant de signes distinctifs de la basse de viole. On l’appelle aussi viole de gambe parce qu’elle se joue tenue entre les jambes.
Le chevillier est délicatement sculpté en forme de tête humaine, au visage exotique et aux longues moustaches. Ces chevilliers sculptés sont l’apanage des instruments luxueux qui, conservés pour leur raffinement ornemental, sont souvent les seuls à traverser les siècles. La table d’harmonie est composée de cinq pièces longitudinales d’épicéa ployées à l’avance puis collées ensemble. Cet assemblage permet de respecter les sens des fibres du bois : un avantage acoustique et une notable économie de matériau et de travail.
Une étiquette collée sur le fond de la caisse de résonance en bois de noyer, indique que notre viole est de la main de Michel Collichon et date de 1693. Seuls cinq instruments de ce célèbre luthier parisien sont parvenus jusqu’à nous. Ce facteur était à la pointe des innovations techniques et au cœur des discussions entre les défenseurs de la viole à six cordes et ceux de l’ajout d’une septième. En effet, dans la France de Louis XIV, l’usage de la basse de viole comme instrument soliste se développe au détriment du jeu de l’ensemble, les autres registres de l’instrument tombant peu à peu en désuétude. Des musiciens comme le fameux Jean de Sainte-Colombe, père putatif de la septième corde et des cordes graves filées, puis son élève Marin Marais et Antoine Forqueray, composent un brillant répertoire soliste pour basse de viole dont la septième corde accroît les possibilités techniques.
Plusieurs fac-similé de la basse de viole de Genève ont été réalisés. Ils permettent de retrouver les sonorités particulières de la viole, dont l’érudit Marin Meresne écrivait en 1636 dans son Harmonie universelle qu’elle « contrefaisait la voix de toutes ses modulations, et mesme en ses accents les plus significatifs de tristesse et de joie ».