«Je ne grave pas des lignes, je grave de la lumière»

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À l’occasion de son exposition genevoise, Matthias Mansen revient sur sa relation avec Daniel Bell, son travail de création et sa fascination pour le bois.

Que signifie cette exposition pour vous?
L’exposition est axée sur mon approche des techniques d’impression. Des exemples représentatifs de différentes périodes de mon parcours montreront au visiteur comment je crée une image, tout en révélant le concept sous-jacent de mon travail.

Parmi toutes les œuvres qui sont exposées, laquelle est votre préférée ou a une signification particulière dans votre projet artistique?
Potsdamer Strasse, C (2012), qui est issue d’une série éponyme se référant à la célèbre rue de Berlin proche de mon studio. L’œuvre réunit deux aspects de mon travail: je choisis un certain style de gravure pour créer une image, ici une scène de rue proche de mon atelier. J’instaure ensuite une tension en appliquant délibérément un motif abstrait de hachures sur une reproduction quasi photographique d’un lieu bien identifié. Cette tension est particulièrement forte dans cette œuvre.

Comment décririez-vous la collection que M. Bell a donnée au Cabinet d’arts graphiques?
Daniel Bell a été le collectionneur le plus assidu de mon œuvre de la fin des années 1980 à la fin des années 1990. Ce corpus couvre ainsi une vaste gamme de thèmes que j’ai traités, notamment les impressions de ma période new-yorkaise, entre 1989 et 1994 environ.

Quelle a été l’influence de votre amitié avec M. Bell sur votre travail?
Il a été un partenaire de discussion fabuleux – l’étendue de ses connaissances était incroyable et inspirante. Son scepticisme profond envers l’art moderne était un défi et son enthousiasme une source de motivation.

En quelques mots, quelle est votre «quête artistique»?
Créer des images uniques à la fois simultanées et consécutives, en fusionnant une approche apparemment arbitraire et abstraite de la gravure et de l’impression à une image observée. Il s’agit essentiellement d’approcher conceptuellement un support artistique qui n’est pas associé traditionnellement à la création d’images complexes.

Daniel Bell, 2009
Xylographie en couleurs; épreuve unique
© Coll. Wolfgang Wittrock

Quelles sont vos références artistiques? Quels sont les artistes qui vous inspirent?
Certaines des impressions exposées, comme Badende (1999), ou Neuholland, mit Hirsch (2010), ont été inspirées par mes réflexions sur le travail de grands artistes du passé tels qu’Edvard Munch ou Gustave Courbet.

Pourquoi avez-vous choisi de recourir à une technique de reproduction alors que votre préférence personnelle va à des œuvres uniques ou des éditions limitées?
Le travail du bois est ce qui m’importe. Pour moi, chaque œuvre est toujours à la fois une image et un document de sa création. Au fil des années, j’ai essayé d’explorer pleinement cette dualité, prenant les genres traditionnels comme points de départ de mon travail, et intégrant une dimension temporelle et transitoire à ce qui apparaît comme un médium très rigide: des natures mortes, en y changeant les objets de la composition – une chaise, un vase, etc. – aux figures se mouvant dans l’espace, des paysages terrestres ou maritimes, en agrandissant ou réduisant certains détails dans une même image globale, à différentes heures du jour ou selon le rythme des saisons, ou encore dans des scènes urbaines, en montrant les visions momentanées et aléatoires d’un flâneur.

Pourquoi aimez-vous tant travailler le bois? Qu’est-ce qui vous attire dans cette matière?
Son caractère récalcitrant me fascine toujours. Il force à prendre des décisions mûries, irréversibles. J’enduis toujours les blocs d’impression d’encre noire avant de graver. Chaque coupe crée ainsi de la lumière à partir de l’obscurité. Je trouve toujours fascinant de voir une image émerger et se développer à partir du néant. Je ne grave pas des lignes, je grave de la lumière.

Exposition Matthias Mansen. Work in progress, Cabinet des arts graphiques, jusqu’au 24 février 2013

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