Italie XVIIIe: un siècle de musique

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Le cycle Musée¦Musique, organisé au Musée d’art et d’histoire grâce à la Fondation La Ménestrandie, propose depuis de nombreuses années une série de concerts mettant en avant les possibilités expressives des instruments anciens. En 2013, c’est la musique italienne qui est à l’honneur, à l’occasion de sept concerts d’exception dans l’acoustique de la salle des Armures si propice aux inflexions délicates des instruments baroques à cordes en boyau. Au programme donc, des concerts monographiques consacrés à Corelli et à Boccherini, mais aussi des incursions dans la musique allemande – pour mieux relever les spécificités italiennes – ou encore chez des compositeurs du XVIIe siècle. Et, en filigrane, le thème de la sonate et de ses lentes mutations durant le XVIIIe siècle.

Corelli à la folie

À l’occasion du tricentenaire de la mort d’Archangelo Corelli, l’intégrale des sonates pour violon et basse continue de l’opus V sera jouée en deux concerts, le 3 novembre à 11 heures et à 16 heures. Une occasion unique d’entendre dans son ensemble ce «tube» édité à Rome en 1700: il connut un tel succès qu’il fut réédité plus de cinquante fois avant la fin du XVIIIe siècle et diffusé dans toute l’Europe, souvent dans des versions que l’on qualifierait aujourd’hui de «pirates», imprimées à Londres ou Amsterdam.

Ce recueil comprend douze sonates, six d’inspiration contrapuntique, plutôt sévères, et six sonates de chambre, plus libres et «dansantes». La sonate n°12, La Follia, est restée célèbre par-delà les siècles. Corelli compose cette œuvre – qui devint un modèle tant pour Haendel que pour Bach, Vivaldi ou encore Couperin – pour le violon dont il jouait de manière virtuose et y fixe les caractéristiques de style et d’écriture de la sonate.

C’est Odile Edouard, professeure de violon baroque au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon qui tiendra l’archet virtuose, entourée de Philippe Despont, clavecin, Alain Gervreau, violoncelle, et Mara Galassi. Cette intégrale, les amoureux du baroque italiens ne sauraient la rater. Et elle séduira les néophytes par son intensité et sa diversité.

Expressivité des claviers bien accompagnés

Le deuxième dimanche est consacré à l’expressivité des claviers accompagnés dans le trio entre 1760 et 1810. La pratique délicate de l’accompagnement d’un clavier par le violon se répand au XVIIIe siècle dans toute l’Europe, que ce soit sous forme ad libitum ou obligée. D’abord extension de la sonate avec accompagnement de violon auquel se joint une basse, le trio avec clavier est appelé à devenir le genre dominant de la musique de chambre, chaque instrument gagnant, autour de 1800, son indépendance.

Un tour d’Europe en musique est donc proposé sur cette thématique le 10 novembre avec, à 11 heures, des œuvres de C.P.E Bach, Joseph Haydn, Jean-Guillaume Werbes et George Onslow et, à 16 heures, de C.P.E Bach, Armand Louis Couperin, Joseph Woelfl, Luigi Boccherini, Ignace Pleyel et Frédéric Kalbrenner. Ces deux concerts sont interprétés par les participants d’un stage professionnel sur ce thème à la Fondation de l’Abbaye de Royaumont animé par Pierre Goy, pianoforte, Liana Mosca, violon, Christophe Coin, violoncelle, Nicole Hostettler, clavecin, et Hervé Audéon, musicologue, en partenariat avec le Musée de la musique.

C’est un pan oublié de l’histoire de la musique qui revit grâce à ces talentueux musiciens dont six d’entre eux – Lucie de Saint Vincent, Luca Montebugnoli, claviéristes, Roldán Bernabé-Carrión, Francesco Cerrato, violonistes, Stefano Cerrato, Adriano Fazio, violoncellistes – ont reçu le 21 octobre dernier le prix musical de l’ambassadeur de Suisse en France. Ces concerts sont aussi une occasion unique d’entendre, entre autres instruments historiques, deux pianoforte carrés, l’un d’Erard, Paris, 1802 (collection privée), l’autre de Longman & Broderip, Londres, vers 1780, appartenant à la Fondation La Ménestrandie.

Divin Boccherini

Il était impossible de concevoir un cycle de concerts consacrés à la musique italienne du XVIIIe siècle sans jouer quelques pages du plus européen des Italiens de l’époque, Luigi Boccherini (1743-1805), qui vécut longtemps en Espagne, alternant les périodes de succès et d’ombre. Son intérêt pour la musique locale rejaillit alors sur certaines compositions, comme le quintette avec guitare del Fandango.

Héritier de Vivaldi et du baroque italien, Boccherini est un des plus grands compositeurs de musique de chambre pour cordes et le plus grand compositeur italien de musique instrumentale de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Particulièrement attentive aux couleurs et aux atmosphères, sa musique est plus hardie et novatrice que ne le laisse supposer le menuet du quintette opus 11 n° 5 pour lequel il est universellement connu. C’est cette attention portée aux couleurs sonores qui fait que sa musique rend toute sa plénitude lorsqu’elle est jouée sur instruments d’époque.

Ainsi le 17 novembre à 11 heures, Liana Mosca, violon, et Pierre Goy, pianoforte, proposent les sonates pour pianoforte et violon obligé de l’opus 5, tandis qu’à 16 heures, le même Pierre Goy et le Quatuor Terpsycordes offriront les quintettes opus 56 et 57.

Détail du Triomphe de David d’Andrea Vaccaro (1598-1670), vers 1645-1650, © MAH, photo: Y. Siza, inv. 1839-9

Festival baroque

C’est encore la sonate en trio qui traverse la thématique du dernier concert de ce cycle italien avec, cette fois, un retour aux sources, puisque l’Italie baroque, plus précisément la Vénétie, en est le berceau au XVIIe siècle. Les compositeurs s’y affranchissent définitivement des modèles de la musique vocale au profit de nouvelles formes, encore expérimentales mais parfaitement accomplies sur le plan structural et expressif.

C’est Dario Castello (v. 1590 – après 1630) et Biagio Marini (1594-1663) qui sont les deux représentants majeurs de ce renouvellement explosif des formes musicales. Archangelo Corelli en théorisera le modèle dont Antonio Vivaldi (1678-1713) se plaira à s’éloigner pour revenir au geste plus «sauvage» alors qu’avec Benedetto Marcello (1686-1739), la sonate se fait très «solistique».

L’Ensemble Claudiana, dirigé par Luca Pianca, offre ce dernier concert, dimanche 24 novembre à 16 heures, à la fois prémisse, synthèse et conclusion de cette exploration de la musique italienne du XVIIIe siècle.

En guise de mise en bouche, une visite commentée des instruments exposés au musée ainsi que de leur iconographie est proposée à 11 heures. Une occasion de faire le lien entre la musique entendue lors de ces concerts et la collection d’instruments anciens du musée qui les inspirent et les justifient.

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