Idea et Inventio. Dessins italiens des XVe et XVIe s.

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Un colloque international sur l’actualité de la recherche

Les jeudi 30 novembre et vendredi 1er décembre, s’est tenu au Musée d’art et d’histoire un colloque consacré aux dessins italiens des XVe et XVIe siècles et organisé dans le cadre de l’exposition actuellement en cours au Cabinet d’arts graphiques. La présentation d’un corpus de 104 dessins, parmi les plus beaux et précieux de la collection du Museum Kunstpalast de Düsseldorf, fut l’occasion d’organiser une rencontre entre spécialistes internationaux – issus de musées publics, de collections privées et d’universités – qui ont dévoilé au grand public leurs plus récentes recherches, liées aussi bien aux collections d’artistes qu’à l’évolution des techniques graphiques et aux pratiques artistiques des XVe et XVIe siècles.

Les collections d’artistes

Après le mot de bienvenue de Lada Umstätter, Christian Rümelin a ouvert la séance consacrée aux collections d’artistes et a rendu hommage à Sonja Brink qui a mené une étude titanesque sur le fonds de dessins italiens de la Renaissance du Museum Kunstpalast de Düsseldorf. Ses recherches ont abouti à l’édition d’un catalogue en deux volumes et ont permis l’exposition de ces dessins à Genève. L’intervention de Sonja Brink s’est donc portée sur la constitution de la collection de Lambert Krahe (1712-1790), un artiste et marchant d’art qui, lors de son séjour à Rome entre 1737 et 1756, a réuni un nombre impressionnant d’objets, entre autres 15’000 dessins, 25’000 estampes et 300 esquisses peintes.

Johann Gerhard Huck d’après Joseph Fratrel
Portrait de Lambert Krahe, 1806. Manière noire
© Düsseldorf, Museum Kunstpalast, Graphische Sammlung

En 1781, Lambert Krahe, alors directeur de l’Académie de Beaux-Arts de Düsseldorf, rencontre Sir Joshua Reynolds qui reporte dans des lettres leurs discussions durant les visites à la galerie électorale de Düsseldorf et ses propres réflexions sur l’accrochage et les attributions des tableaux. Ainsi, à travers les écrits du peintre britannique, Jan Blanc a proposé une reconstitution du goût artistique de Lambert Krahe, parfois en contraste avec celui de Reynolds. Poursuivant sur l’histoire du goût, Laurence Lhinares a mis en évidence comment, au XVIIIe siècle, les artistes français privilégient l’acquisition d’œuvres d’art flamandes et hollandaises ainsi que françaises. Au contraire de leurs collègues d’Outre-Manche qui collectionnent également les œuvres des artistes italiens, une différence vraisemblablement dictée par une question de mode ainsi que par la présence massive d’agents britanniques à Rome.

Lorenzo di Credi, Portrait de jeune homme, 1490-1500
Pointe de métal et pierre noire sur papier préparé gris-rouge, rehauts de gouache blanche
© Düsseldorf, Museum Kunstpalast, Graphische Sammlung

La séance s’est conclue avec une visite libre de l’exposition au Cabinet d’arts graphiques, un moment privilégié qui a permis au public d’admirer – à nouveau – la collection réunie par Krahe, notamment les dessins à la pointe en métal, sujet de la remarquable conférence du soir tenue par Hugo Chapman. En retraçant l’histoire de cette technique, Chapman a dévoilé les différences des pratiques d’atelier entre le Nord et le Sud des Alpes tout en soulignant la grande maîtrise technique nécessaire à la réalisation de ces précieux dessins.

Les artistes: pratiques et techniques

Le débat sur les techniques et les pratiques artistiques s’est poursuivi lors de la deuxième journée, dirigée par Mauro Natale. La production dessinée de Federico Barocci et sa manière particulière de concevoir les volumes dans l’espace ont savamment été analysées par Nathalie Strasser tandis que Catherine Whistler a démontré l’intelligence des dessins d’angelots chez Raphaël, expression d’éloquence et de connaissance de la culture antique traduite par l’artiste dans un langage espiègle. Poursuivant avec le rapport à l’Antiquité, Elena Rossoni a souligné le caractère érudit des sujets antiques du Bolonais Bolonais Amico Aspertini, dont l’interprétation demeure encore aujourd’hui obscure. En revanche, Marzia Faietti a mis en évidence son rapport conflictuel avec Giorgio Vasari qui dépréciait les dessins et les œuvres au langage hétéroclite d’Aspertini. Enfin, Jonathan Bober a considéré d’une manière très séduisante la question des répliques ou des copies autographes d’artistes : un phénomène du XVIe siècle précurseur du goût pour les œuvres de «maîtres», c’est-à-dire laissant transparaître la main et la personnalité d’un artiste. Ces dessins ne peuvent pas être considérés comme des études préparatoires, mais plutôt comme des œuvres conçues pour être collectionnées.

Federico Barocci, Étude de mains, vers 1576
Pierre noire, sanguine et craie jaune, rehauts de craie blanche, estompe, sur papier bleu
© Düsseldorf, Museum Kunstpalast, Graphische Sammlung

La communication de Bober a donc permis de revenir sur la question des collections de dessins, point de départ du colloque. Loin de fournir un cadre exhaustif aux débats qui animent l’histoire du dessin italien de la Renaissance, cette rencontre a donné l’opportunité de creuser des aspects significatifs, parfois méconnus, qui ont favorisé des discussions riches et stimulantes.

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