Le regard d’une archéologue sur les créations contemporaines
L’archéologie préhistorique était sa profession, les bijoux sa passion. Yvette Mottier a trouvé, dans le travail du créateur de bijoux Jean-François Pereña, le moyen de les faire se rejoindre. Pendant plus de trente ans, elle a acheté très régulièrement des pièces à cet artiste original. En 2006, elle a fait don de sa collection au Musée d’art et d’histoire, dont elle a été, pendant plus de vingt ans, la conservatrice en chef des collections archéologiques. Aujourd’hui, à 80 ans passés, cette femme toujours très alerte est heureuse de voir ses parures exposées dans les salles du musée. Rencontre.
Comment et pourquoi vous êtes-vous lancée dans la collection de bijoux de Jean-François Pereña?
Yvette Mottier : Attention! Je n’ai jamais eu pour but de constituer une collection. J’aime les bijoux depuis toujours et j’ai été attirée par le large éventail de matières avec lesquelles Jean-François Pereña travaille. J’ai donc acheté des bijoux en fonction de mes coups de cœur et de mes moyens financiers.
Tout de même, 81 pièces du même artiste créées entre 1981 et 2012…
Oui, c’est beaucoup. C’est bien pour cela qu’un jour, des amis m’ont dit que j’avais constitué une collection. Mais, même en y réfléchissant à posteriori, je suis sûre que j’ai acheté la plupart de ces créations sur un vrai coup de cœur. Parce que je les trouvais géniales et que j’avais envie de les porter. Ce n’est que très tard que j’ai acheté pour compléter ou expliquer ce que j’avais déjà.
En fait, cette manière de faire m’a permis de prendre le contre-pied absolu de la démarche que je devais adopter lors de mes acquisitions en tant que responsable de l’archéologie au MAH: je devais tenir compte de critères comme l’authenticité, la légitimité de l’origine, la nécessité de compléter une collection, etc. Alors que pour mes achats «privés», je pouvais m’offrir le luxe de ne suivre que mes envies!
N’avez-vous acquis que des bijoux de Pereña?
Non, bien sûr. Mais le fait que Jean-François Pereña travaille avec des matériaux non-précieux, des matériaux qui me sont familiers parce que déjà façonnés dans les temps préhistoriques est certainement la source de mon attirance pour son travail.
Et au fil du temps, il s’est créé entre nous une relation presque d’amitié. J’ai fait des kilomètres et des kilomètres pour me rendre à tous ses vernissages. J’ai acheté à presque toutes ses expositions.
Et aujourd’hui, vous avez décidé de vous déposséder de toute votre collection. D’objets que vous avez choisis, admirés, portés… Pas de regrets?
Oh non. Je suis très heureuse de les savoir au musée. Je n’aurai pas voulu qu’ils soient dispersés. Qu’ils restent ensemble comme un tout et acquièrent une valeur patrimoniale me satisfait pleinement.
Peut-être avez-vous entamé une nouvelle collection?
Pas du tout. J’apprends l’hébreu. Et figurez-vous que d’apprendre l’hébreu, c’est beaucoup plus difficile que de collectionner des bijoux!