Du nouveau à la Maison Tavel

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La maquette animée sur l’histoire de Genève

Au printemps 2022, une maquette intitulée Genève, une histoire sur mesure a intégré une structure à la Maison Tavel faite… sur mesure.

Au rez-de-chaussée de la maison, de longs morceaux de bois taillés en pointe sont alignés sur un fond noir. À première vue, ils ressemblent à des canines géantes d’un animal préhistorique imaginaire. Ce sont, en réalité, des pieux en chêne, vestiges d’habitats lacustres.

Dans le même espace, un dispositif moderne contraste avec cette rangée de pilotis. Réalisé en 2012 dans le cadre de la célébration du centenaire de la mensuration officielle suisse, il s’agit d’une animation constituée d’une double projection d’images : sur un plan relief d’une part et sur un écran frontal d’autre part.

En une dizaine de minutes, les événements phares de la transformation du Bassin lémanique, de l’ère glaciaire à nos jours, sont racontés tambour battant. Le riche patrimoine cartographique associé aux représentations iconographiques et aux relevés scientifiques modernes permet de redessiner les états successifs de la région genevoise, depuis ses premiers occupants. Les pilotis découverts dans le Léman, exposés en regard, créent ainsi une proximité immédiate avec le contenu de la projection.

L’écran frontal et le plan en relief sur lesquels sont projetées les images. Genève, une histoire sur mesure. On-situ, Jean-Michel Sanchez et Julien Roger ; République et canton de Genève, Département du territoire, Laurent Niggeler, 2012 © MAH, photo : F. Bevilacqua

De la maquette à la réalité

La projection débute avec un premier relevé, celui de milliers de pilotis sur les rives alors émergées du Léman. Ces éléments enfoncés dans le sol en période de sécheresse et donc de basses eaux sont les vestiges de villages du Néolithique et de l’âge du Bronze. Découverts au milieu du XIXe siècle, ces habitats appelés palafittes, littéralement « pieux plantés », sont inscrits depuis 2011 au patrimoine mondial de l’UNESCO. Prélevés et analysés par le Service cantonal d’archéologie, les douze pieux présentés à la Maison Tavel sont admirablement conservés grâce à l’argile déposée au cours de la dernière glaciation empêchant l’oxygène d’atteindre le bois. Ils ont ensuite été traités en laboratoire par imprégnation et lyophilisation. En s’approchant, les traces des coups de hache en bronze de nos ancêtres apparaissent clairement dans le bois de chêne presque intact.

Pilotis prélevés sur la station littorale du Plonjon, rade de Genève, exposés à la Maison Tavel. Les traces de coups de hache y sont visibles. Âge du Bronze final, entre 1 063 et 858 av. J.-C. Chêne, long. entre 100 et 160 cm, diam. entre 15 et 20 cm. Service cantonal d’archéologie, inv. PLO 002, 024, 028, 042, 048, 054, 055, 057, 065, 069, 069-1, 2983 © MAH, photo : L. Bischoff

Le Léman, personnage central de l’histoire de Genève

Après la découverte des vestiges de villages palafittiques aujourd’hui immergés, le spectateur observe la naissance des premières organisations urbaines. Au cours des siècles et en fonction des menaces humaines et environnementales, l’agglomération s’étend proche des rives ou au contraire se replie plus haut sur la colline. Et l’histoire se répète, entre avancées sur l’eau et reculs.

Tout au long du récit, la fonction centrale du Léman, théâtre de nombreux événements, est mise en valeur : la destruction du pont du Rhône en 58 av. J.-C., afin de stopper la migration des Helvètes vers l’Ouest, ou encore le terrible incendie de ce même pont en 1670. La projection illustre aussi les aménagements modernes, comme la construction du barrage du Pont de la Machine, puis la création de l’usine des Forces Motrices pour la distribution de l’eau dans les quartiers.

Schéma des habitats palafittiques projeté sur l’écran frontal. Le plan relief indique la localisation des pieux prélevés dans le Léman. © MAH, photo : L. Bischoff

Les pierres du Niton

Les périodes antérieures ne sont pas pour autant oubliées ; des témoins de l’ère glaciaire émergent toujours dans le Léman. Il s’agit des pierres du Niton, indices d’un passé qui marquent le territoire à toutes les époques, ancrées durablement dans le sol genevois. Sur un des volets du retable de Konrad Witz de 1444, La Pêche miraculeuse, les deux pierres déposées par le glacier du Rhône sont représentées avec précision. Le général Guillaume-Henri Dufour les rend célèbres à son tour en les utilisant comme référence pour fixer le niveau moyen du lac (le RPN, Repère Pierre du Niton), puis pour l’établissement de la carte de la Suisse en 1845 et 1864.

Jules Meylan (1887-1947), Genève, la rade et les pierres du Niton, 1re moitié du XXe siècle, vue stéréoscopique, gélatino-bromure sur verre, 59 x 129 mm © Bibliothèque de Genève, inv. vg n13x18 12569

Mais bien avant l’âge d’or des mesures et du contrôle du territoire, ces deux blocs erratiques jouaient déjà un rôle de premier plan pour les habitants du littoral : en témoignent trois haches et un couteau en bronze conservés au MAH trouvés à proximité. Imperturbables, les pierres du Niton ont ainsi traversé les âges, spectatrices des premières occupations de la rade jusqu’aux aménagements d’aujourd’hui. Assis devant la rangée de pilotis et face à la double projection, le spectateur contemporain semble lui aussi franchir les siècles, embarqué dans la fascinante histoire du Bassin lémanique.

Trois haches à rebords et couteau à manche à griffes trouvés près des pierres du Niton, probablement en 1656. Âge du Bronze ancien, 2 200 à 1 600 av. J.-C. (hache de gauche, type Neyruz) ; âge du Bronze moyen, 1 600 à 1 400 av. J.-C. (haches du milieu, types Grenchen et Cressier) ; âge du Bronze final, 1 400 à 800 av. J.-C. (couteau) Bronze moulé, long. (de gauche à droite) 16,6 cm, 21,5 cm, 13,9 cm et 14,3 cm. Musée d’art et d’histoire, dons à la Bibliothèque publique de Genève en 1710 et 1711 (?) © MAH, photo : B. Jacot-Descombes, inv. B 1395, B 1394, B 1396, Anc. 0064

La projection « Genève, une histoire sur mesure » a bénéficié d’une nouvelle implantation et d’une mise à niveau technologique grâce à l’aide de la Fondation Bru et au soutien renouvelé du Département du territoire de l’État de Genève.

Pour en savoir plus sur les palafittes : film documentaire Les Lacustres. Mémoires d’outre-lacs réalisé en 2021 par Philippe Nicolet, sous la direction scientifique de Pierre Corboud.

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