Les bijoux du MAH en prêt à Zurich
Jusqu’au 22 octobre, le Landesmuseum de Zurich propose Schmuck. Material Handwerk Kunst , une exposition sur le bijou et son histoire pour laquelle le MAH a accordé le prêt de quelque 40 œuvres. Choisies dans ses collections par l’une des commissaires, Joya Indermühle accompagnée par Beatriz Chadour-Sampson, historienne du bijou, ces pièces illustrent plus précisément le bijou 1900, de style Art nouveau et de style Art déco.
Quand Genève regarde Paris
Avec Paris, Vienne et Londres, Genève figure parmi les «capitales» des développements artistiques du tournant du XXe siècle, dans les arts décoratifs en général, en horlogerie et en bijouterie en particulier. La production parisienne du bijou Art Nouveau, dont l’apogée s’exprime à l’Exposition universelle de Paris en 1900, est la source principale d’inspiration des émailleurs et des bijoutiers genevois. De même, les idées novatrices de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels de 1925, à Paris, trouvent un écho à Genève dans les années 1930. Car, à Genève comme à Paris, les bijoutiers et les émailleurs sont à la pointe de leur art, s’impliquant dans le développement du «bijou 1900»…
On ne parlera pas ici de rayonnement économique ou de concurrence avec Pforzheim (Allemagne), qui titille Genève dans le domaine du bijou courant. Il est davantage question de savoir-faire et de sources d’inspiration diffusées dans les milieux genevois de la Fabrique. Les métiers d’art qui y sont développés offrent en effet un terreau favorable pour la création unique et l’usage des matériaux nobles, deux orientations prises par les bijoutiers du début du XXe siècle, dans un mouvement de formes d’abord débridé, puis davantage graphique. Car si l’architecture Art nouveau et Modern Style ne s’est pas développée dans la discrète cité de Calvin autant qu’à Paris, à Vienne ou à Bruxelles, la tendance internationale s’est bien ancrée dans les ateliers des horlogers et des bijoutiers. Ces derniers s’adonnent à la production de bijoux façonnés par des artistes tendant à récuser le caractère fonctionnel des objets de parure, pour revendiquer un art à part entière.
Une nouvelle ère pour le bijou
Le bijou adopte un caractère symboliste, figuratif et les techniques de décoration débordent du domaine de la bijouterie-joaillerie: les émailleurs, associés aux bijoutiers, empruntent aux savoir-faire des maîtres verriers, en se réappropriant des techniques anciennes. Ils remettent à l’honneur le mouvement historiciste Renaissance avec des émaux en relief dans le genre de Limoges. Dans le même esprit, mais en adéquation avec la tendance des formes fluides déclinées par l’Art nouveau, les créateurs adoptent la technique de l’émail «plique à jour», valorisant les émaux translucides. Ailleurs, ce sont les émaux mats qui favorisent des effets d’irisation.
Les bijoux, façonnés en silhouettes féminines, en formes végétales ou en insectes légers, privilégient les cabochons de pierres aux teintes claires et les perles, ponctuées de diamants facettés. Le courant Art nouveau transforme les codes de la joaillerie: avec lui, la création même a plus de valeur que les pierres qui la compose. Parmi les grands noms des artistes bijoutiers de cette époque, citons René Lalique et Georges Fouquet (Paris), Henri Vever (Nancy), ainsi que les Français Léopold Gautrait, François Fleuret, Edouard Marchand et les Anglais Walter Crane et Charles Ashbee. Leur travail ouvre la voie à des créateurs genevois nés avant le siècle et jusque dans les années 1930, tel André Lambert, qui ose la combinaison de matériaux nobles et non précieux. Ce dernier transmet cette audace à son disciple Gilbert Albert, lequel, à l’instar des créateurs de l’époque Art Nouveau, puise son inspiration dans la Nature.
Sélectionnées dans les collections du MAH par les commissaires de l’exposition, les œuvres de Marie Bedot-Diodati, Germaine Glitsch – de Siebenthaler, Yvonne de Morsier-Roethlisberger, Bonti, Armand Pochelon, Louis Vallot, Henri Demole, André Lambert et Gilbert Albert, sans négliger le Genevois d’origine Jean Dunand, évoquent à Zurich le dynamisme des ateliers genevois.