Le Quatuor de Genève de retour à Vienne
Ce dimanche 11 novembre au Musée d’art et d’histoire à 11 heures, le dernier concert du cycle proposé par le Quatuor de Genève en dialogue avec l’œuvre de Ferdinand Hodler effectue un retour à Vienne, après deux étapes parisiennes. La capitale de la monarchie danubienne, creuset culturel extrêmement fécond, a vu naître en quelques années le mouvement de la Sécession, la psychanalyse et la musique atonale. Elle est surtout le théâtre du retentissant succès de l’exposition de Hodler au Palais de la Sécession en 1904, véritable tournant dans la carrière du peintre. À 10h30, en guise d’introduction, la présentation Vingt minutes, une œuvre invite le visiteur dans le salon de Hodler, dont le mobilier est exposé au sein de l’accrochage Hodler intime. Résonneront ensuite dans la salle des Armures des œuvres de jeunesse d’Arnold Schoenberg et d’Anton Webern, compositeurs proches de la Sécession, et de Ludwig van Beethoven auquel le mouvement consacra une exposition-manifeste en 1902.
Le salon viennois de Hodler
Si, accaparé par le projet de décor pour la salle d’armes du Musée national suisse à Zurich, Hodler doit décliner l’invitation de Gustav Klimt à participer à la toute première exposition de la Sécession en 1897, il participe trois ans plus tard à la huitième exposition et, en 1901, à la douzième. C’est dans ce contexte qu’il rencontre le designer et architecte Josef Hoffmann, qui est en passe de révolutionner les arts appliqués. Après ces expositions collectives, l’artiste se voit offrir la vedette de l’édition de 1904. Accompagné de son épouse Berthe et de son ami le peintre Cuno Amiet, qui expose également à Vienne, Hodler passe alors trois mois dans la capitale autrichienne. Tous trois vivent dans le quartier de la Hohe Warte, véritable colonie d’artistes. Les résidences y ont été conçues par Joseph Hoffman et sont meublées et décorées par des productions des Wiener Werkstätte (ateliers viennois) où Hodler achète un nécessaire d’écriture, un plateau et des ronds de serviette.
Quelques années plus tard, Hodler, au faîte de sa gloire et désormais fortuné à la suite de son triomphe viennois, achète l’appartement du 29 quai du Mont-Blanc, à Genève, et Berthe fait appel à Hoffmann pour la décoration des pièces de réception. Fauteuils, chaises, tables, jardinières et autres consoles sont réalisés en chêne noir cérusé, mettant en valeur la veine du bois. Les décors sont sobres, cannelures ou fleurs d’inspiration japonisante annonçant déjà l’Art déco… Un salon dont Hodler n’était pas peu fier, ainsi qu’en témoignent les articles dans des magazines de décoration allemands ou autrichiens à qui il avait ouvert les portes de son «salon viennois».
Œuvres de jeunesse de la seconde école de Vienne
Les deux œuvres de jeunesse de Schoenberg (1874-1951) et Webern (1883-1945), deux représentants de la seconde école de Vienne, figuraient toutes deux dans l’audioguide musical de l’exposition Hodler//Parallélisme tant elles dialoguent à merveille avec la peinture de Hodler. Un an après le triomphe de l’artiste suisse à Vienne, Anton Webern, âgé de vingt-trois ans, livre un unique mouvement de quatuor, inspiré par une randonnée en montagne avec sa fiancée; ce Langsammer Satz pour quatuor à cordes pourrait tout aussi bien lui avoir été soufflé par un paysage hodlérien. La Nuit transfigurée, sextuor composé par un Arnold Schoenberg, âgé de vingt-cinq ans en 1899 et dédié à sa fiancée Mathilde, est fortement teinté de romantisme. Inspiré par un poème de Richard Dehmel, qui met en scène la promenade nocturne d’un couple au cours de laquelle la femme avoue son infidélité, la pièce est très controversée lors de sa création en 1902, en raison de la richesse de son langage chromatique et de ses écarts avec la tonalité de ré mineur. Quelques années plus tard, la dédicataire, Mathilde, devenue Madame Schoenberg, entretiendra une relation adultère avec Richard Gerstl, peintre proche lui aussi de la Sécession…
Beethoven, le « classique viennois » moderne
Le Quatuor opus 18 n°3 (1798-1799) fait partie des six quatuors que Beethoven (1770-1827) dédie au prince Josef Franz von Lobkowitz. S’il est la troisième de la série, il est cependant le tout premier quatuor écrit par le jeune compositeur, lequel démontre sa parfaite assimilation de l’art de ses ainés Haydn ou Mozart, tout en faisant montre d’une invention qui laisse augurer de son évolution ultérieure vers le romantisme. Un siècle avant Hodler ou Schoenberg, Beethoven aussi pouvait être qualifié de «moderne».