Autour de Beethoven I

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Promenade entre musique et peinture

Dans le cadre du programme Cet été, c’est concert, la cour du MAH a accueilli un cycle de musique de chambre consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827), 250e anniversaire de sa naissance oblige! L’occasion de découvrir quelques tableaux majeurs de la collection du musée, en tissant des liens avec la vie et l’œuvre du compositeur.

Mythe et histoire

Quel point commun entre Beethoven et la Retraite de Marignan (fig.1) de Ferdinand Hodler ? À première vue aucun. Cette vision crue de la retraite des Suisses, défaits à Marignan par les armées du roi de France François 1er fait scandale au point que l’on parle à l’époque de «querelles des fresques». Pour lui donner rythme et mouvement, Hodler y met toute sa science du parallélisme – répétition des diagonales formées par les hampes des armes d’hast, des verticales de corps et des crevés de vêtements; ondulations d’étendards déchirés; jeu sur les couleurs complémentaires. Loin de la glorification patriotique qui tentait de faire passer cette retraite sanglante pour un acte aussi héroïque que sage, à l’origine de la neutralité helvétique, cette représentation n’est pas du goût de tous en Suisse. En revanche, elle connaît un immense succès à Vienne, dans le cadre des expositions de la Sécession. Cette déconstruction d’un mythe de l’histoire suisse érige le peintre dans la capitale austro-hongroise à l’égal de Gustave Klimt, l’un des fondateurs du mouvement de la Sécession.

Fig 1. Ferdinand Hodler (1853 – 1918), La Retraite de Marignan, 1899.
Huile sur toile, H. 350, l. 500 cm. Achat avec l’aide de la Fondation Diday, 1907
©MAH, inv. 1907-0044

Hodler partage avec Beethoven cette propension à polariser la critique, suscitant l’un et l’autre, un rejet aussi violent qu’une adulation passionnée. Et ils ont pour autre point commun, quoiqu’indirectement, la Sécession viennoise. En effet, la 14e exposition du mouvement est consacrée à Beethoven. Il s’agit de la première exposition thématique à laquelle collaborent une vingtaine d’artistes. Joseph Hoffmann, le décorateur à qui l’on doit les meubles de Hodler aujourd’hui conservés au MAH, en est le commissaire. La présentation est conçue comme une œuvre d’art total où architecture, peinture, sculpture et musique se mêlent et se répondent – une synthèse des arts voulue par le mouvement. C’est dans ce contexte que Gustav Klimt réalise la fameuse Frise Beethoven, encore visible aujourd’hui dans le Palais de la Sécession à Vienne, qui constitue une libre interprétation picturale de la 9e symphonie.

Il n’est pas particulièrement étonnant qu’un mouvement d’avant-garde s’empare d’une figure artistique marquante, surtout lorsque celle-ci est elle-même avant-gardiste, en l’occurrence annonciatrice du romantisme musical, et qu’elle a profondément marqué non seulement Vienne mais l’Europe entière. Cette exposition de 1902 est l’un des jalons importants de ce «mythe Beethoven» qui naît à la mort du compositeur. Depuis, il ne cesse de rayonner, notamment à travers les arts visuels et plastiques chez Joseph Beuys, le sculpteur Antoine Bourdelle, Andy Warhol ou encore Jean-Michel Basquiat, artiste peintre mais aussi musicologue.

Art et pouvoir

Fig 2. Jean-Étienne Liotard (1702-1789), Portrait de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, 1762.
Pastel sur parchemin, 890 x 725 mm (feuille). Don de Jeanne Marie Madeleine Sales, 1839.
©MAH, inv. 1839-0010

À Beethoven, l’on peut également relier le portraitiste genevois Jean-Étienne Liotard, réputé dans l’Europe entière pour ses portraits au pastel si vivants qu’on le qualifie de «peintre de la vérité». Difficile en effet de voir dans cette dame élégante (fig.2) aux joues rose et aux coins de la bouche esquissant un sourire la puissante Archiduchesse d’Autriche Marie-Thérèse, impératrice consort du Saint-Empire Romain, Roi de Hongrie et de Bohème – dans ces pays, le titre de reine est réservé à l’épouse du roi, or Marie-Thérèse exerce cette fonction de plein droit. Pas de couronne, pas d’hermine ou autres attributs de la royauté mais une élégance presque bourgeoise et une certaine forme de familiarité avec cette ombre de sourire et cette main dégantée. C’est que le modèle et l’artiste entretiennent une relation qui tient plus de l’amitié que du lien mercantile. Ce portrait date de 1762, année du second séjour de Liotard à Vienne. Dans la foulée, il croque également aux trois crayons les portraits des onze enfants royaux, dont le futur Léopold II et le prince-évêque de Cologne Maximilien (fig.3), à la cour duquel le jeune Beethoven est organiste . Maximilien joue un rôle déterminant dans l’installation du jeune musicien à Vienne en le recommandant comme professeur à son neveu, l’archiduc Rodolphe. Ce dernier devient l’un des premiers élèves mais aussi, et surtout, l’un des premiers mécènes de Beethoven qui lui dédiera 14 de ses compositions dont le Concerto L’Empereur et la Missa solemnis.

Fig. 3 Jean-Étienne Liotard (1702-1789), Portrait de Maximilian (Max-Franz), archiduc d’Autriche, futur électeur et archevêque de Cologne (1756-1801), 1762.
Pierre noire, sanguine, crayon de graphite, pastel et glacis d’aquarelle, 322 x 248 mm (feuille).
Dépôt de la Confédération suisse, Office fédéral de la culture, Fondation Gottfried Keller, Berne, 1947.
©MAH, inv. 1947-0046

Beethoven a fréquenté des membres de la famille impériale et a su faire sa cour aux familles nobles pour obtenir des commandes et donner des leçons. Cependant, il refusa toujours de se voir cantonner au rôle de valet qu’occupent les musiciens de cour, tel Mozart chez l’Archevêque Colloredo ou son maître Joseph Haydn à la Cour du Prince Esterhazy. Il réussit même à se faire verser une rente régulière sans contrepartie par l’archiduc Rodolphe, le prince Kinsky et le prince Lobkowitz.

À suivre: Autour de Beethoven II

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