Audioguide en musique

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Depuis quelques temps, les Musées d’art et d’histoire développent des visites audioguidées tant pour les collections permanentes que les expositions temporaires. Chacun de ces parcours a fait l’objet d’une sélection particulière de musiques d’accompagnement qui agrémentent les commentaires, permettent des respirations dans le texte, élargissent le contexte culturel ou encore contribuent à créer une ambiance particulière. À l’exercice délicat de la rédaction des commentaires s’ajoute donc celui de la recherche d’une musique d’accompagnement et du calage de celle-ci sur le texte: une opération aussi passionnante que subtile.

Élargir le contexte culturel

Un des axes pour la recherche de musique est d’élargir le contexte culturel de l’objet. Ainsi, dans le cadre de l’exposition Gustave Courbet. Les années suisses, la première étape a consisté à regarder du côté des compositeurs contemporains de l’artiste gravitant dans la sphère française, puis à sélectionner, dans l’œuvre de ces compositeurs, des pièces dont l’atmosphère musicale s’accordait à celle des tableaux. Ainsi, Rêveries et caprices opus 8 pour violon et orchestre d’Hector Berlioz illustre le commentaire consacré à l’espace documentaire de l’exposition qui amène le visiteur au plus près de l’intimité de Courbet.

L’esprit à la fois intime et nostalgique de cette partition, unique œuvre concertante de Berlioz, s’accorde à merveille avec la contemplation de la dernière photographie qui représente le peintre, du portrait de son père ou encore de son testament autographe. Cette œuvre date de 1841, quelques années avant que Courbet ne réalise le portrait de Berlioz, dont l’esquisse est exposée au Rath. Devenu peut-être la représentation la plus célèbre du compositeur, celui-ci refusa pourtant ce portrait peu flatteur dont Courbet, signe de son attachement, emporta l’esquisse dans son exil helvétique.

Gustave Courbet, Coucher de soleil, Vevey, Suisse, 1874, Cincinnati Art Museum, Gift of George Hoadly, © Rob Deslongchamps
Gustave Courbet, Coucher de soleil, Vevey, Suisse, 1874, Cincinnati Art Museum, Gift of George Hoadly,
© Rob Deslongchamps

C’est dans l’œuvre de Jacques Offenbach que nous sommes allés chercher l’illustration sonore de la plage de l’audioguide consacrée aux marines et paysages lacustres. Un choix qui peut paraître étonnant, même si le compositeur est comme Courbet né en 1819 et a, comme lui, traversé le règne de Napoléon III, la troisième République et les événements de la Commune. On connaît en effet surtout le compositeur pour ses opérettes légères et enjouées, bien moins pour son œuvre pour violoncelle qui recèle pourtant de superbes pages. Les Larmes de Jacqueline, dont l’accompagnement des cordes évoque le doux clapotis des vagues, possède une mélodie profonde et nostalgique jouée par le violoncelle qui fait écho aux souvenirs de Courbet, pensant aux heures heureuses et lointaines passées à Trouville alors qu’il fait la planche sur les eaux du Léman.

Peintures musicales

Pour le paysage d’Interlaken évoquant les passages de Courbet en Suisse avant l’exil ainsi que pour les vues de Chillon, nous avons trouvé l’habillage sonore chez un compositeur véritablement pictural qui parcourut la Suisse quelques années avant le peintre: la Première année de pèlerinage de Franz Liszt consacrée à la Suisse la dépeint, des cloches de Genève à la Vallée d’Obermann. Le mouvement intitulé pastorale de ce cycle pour piano s’accorde merveilleusement au paysage automnal des Alpes bernoises tandis qu’églogue, un peu plus sombre et minéral, se marie avec les vues du Château.

Gustave Courbet, Le Château de Chillon, 1873, Cologne, Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud, Dep. FC 698, © Rheinisches Bildarchiv Köln, Sabrina Walz, rba_c014538
Gustave Courbet, Le Château de Chillon, 1873, Cologne, Wallraf-Richartz-Museum & Fondation Corboud, Dep. FC 698, © Rheinisches Bildarchiv Köln, Sabrina Walz,
rba_c014538

Parfois, la volonté de coller au plus près de l’atmosphère du tableau nous a fait abandonner le critère chronologique. Dans le commentaire consacré au puissant Panorama des Alpes, c’est un poème symphonique, lui aussi très pictural, qui a été choisi: Die Alpensinfonie de Richard Strauss, plus précisément quelques notes du passage évoquant l’arrivée au sommet Auf dem Gipfel.

Un usage chirurgical

Cette utilisation de Strauss est un bon exemple d’un usage visant à créer un effet, une emphase et, en même temps, une respiration. Il y a juste quelques secondes de musique. En mettre davantage aurait vite provoqué une fatigue. Qui plus est, la musique n’est pas une fin en soit, juste un moyen pour permettre au visiteur d’entrer plus profondément dans l’observation qui lui est proposée ou de lui permettre de relâcher son attention. La musique rythme le flot d’informations fournies. Le temps total de musique dans l’audioguide de l’exposition Courbet. Les années suisses est très court, chaque note a été choisie et calée très précisément sur le texte.

Dans l’audioguide de la Maison Tavel, qui se concentre sur l’architecture du bâtiment et son évolution au fil des siècles, l’usage de la musique est différent. Le visiteur est invité à observer différents éléments en écoutant une plage et est également sensibilisé aux usages passés des pièces qu’il arpente. Dans ce contexte, la musique ajoute à l’évocation et vient appuyer l’effort d’imagination: une danse rythmée du XIVe siècle est associée à l’effervescence des activités commerciales de la salle basse, tandis qu’un concerto pour flûte, piano et cordes de la Genevoise Caroline Boissier-Butini (1786-1836) habite l’appartement du deuxième étage consacré à la vie quotidienne bourgeoise aux XVIIIe et XIXe siècle.

Clin d’œil

Quand aucune musique ne semble appropriée, c’est souvent du côté du clin d’œil qu’il faut chercher l’accompagnement sonore… Ainsi, la plage consacrée à statue colossale de Ramsès II de l’audioguide du Musée d’art et d’histoire est habillée d’une mélodie évoquant les péplums hollywoodiens. Pour l’introduction de l’audioguide Gustave Courbet. Les années suisses qui racontent notamment les raisons de l’exil et les événements de la Commune, ce sont quelques notes, au piano, du Temps des cerises qui s’égrainent çà et là. Une occasion de rappeler qu’on a fait de cette chanson populaire de 1868, dont les paroles sont du communard Jean-Baptiste Clément et la musique d’Antoine Renaud, une allégorie des événements de 1871: l’amour perdu est assimilé à la révolution manquée et les cerises aux impacts de balles…

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