Nommé fin août à la tête de la Maison Tavel, Alexandre Fiette a un parcours particulier. Sa formation initiale, il l’a effectuée du côté de la technique, en entrant à la Manufacture des Gobelins. Là, il exerce son œil et ses goûts. Avant de se consacrer à la restauration d’œuvres puis de se voir confier des projets d’expositions.
Depuis dix-sept ans qu’il est au Musée d’art et d’histoire, il a beaucoup travaillé dans le domaine du textile (il a un faible pour la haute couture), mais s’est également penché sur des domaines variés, comme la danse pour l’exposition Zizi Jeanmaire – Roland Petit au Rath en 2007 ou, récemment, l’œuvre de Roger Pfund au MAH. Le plus important étant, dit-il, de se forger une vision d’un sujet et de la défendre dans le but de partager avec le public quelque chose que l’on aime. Rencontre.
Aujourd’hui, qu’en est-il du projet de réaménagement complet de la Maison Tavel lancé par votre prédécesseur, Nathalie Chaix?
Toutes les instances politiques et administratives sont d’accord pour qu’il se fasse. Cependant, pendant mon intérim – entre le départ de Nathalie Chaix et ma nomination à la fin août – l’orientation a changé. Le projet n’est pas annulé, mais différé, probablement à 2017.
Quel est votre mandat?
Je vais pour l’instant m’atteler à des réaménagements partiels. L’entrée, par exemple, doit être réorganisée. L’installation d’un vase de Philippe Cramer récemment offert par la Société des amis du MAH au musée sera l’occasion de remettre en valeur l’argenterie genevoise et de revoir sa présentation. Enfin, une petite salle du 2e étage, actuellement fermée, va faire l’objet de présentations thématiques.
Et à plus long terme? En vue du réaménagement complet?
Il est sûr que c’est la maison elle-même qui conditionne le tout. Au fil des siècles, elle a fait l’objet de véritables prouesses architecturales (comme l’actuelle salle d’expositions temporaires creusée sous une partie de la maison). Sa transformation d’habitation en institution muséale a été exemplaire. Je souhaite donc que les propositions muséographiques rendent compte de ces travaux. Je voudrais aussi que le futur parcours de la Maison Tavel soit un point de départ, une ouverture vers d’autres musées genevois.
Quel positionnement pour la Maison Tavel dans «l’échiquier» des musées genevois?
La Maison Tavel n’a pas la même vocation que le Musée d’art et d’histoire, l’Espace Rousseau, le Musée de la Réforme et d’autres encore. Tavel doit davantage exposer les impacts d’un événement historique que l’événement lui-même. Par exemple, si le MAH présente des armures pour évoquer l’Escalade, la Maison Tavel peut s’attacher aux célébrations et au souvenir de cet événement historique, à la manière dont il est devenu identitaire. De la même façon, la Réforme ne doit pas être traitée comme le fait le Musée de la Réforme, mais la Maison Tavel devrait plutôt présenter les conséquences de la Réforme, les aspects de son implication dans l’histoire sociale, économique et intellectuelle genevoise.
Quelle est la place, le rôle des objets dans un tel musée?
L’objet reste central pour moi. Il permet de fournir des éclairages. Dans ce type de musée, c’est la pertinence de l’objet qui est prise en compte et non ses qualités esthétiques. Toutefois, son interprétation reste toujours délicate. Je me propose donc de pratiquer ce qui me plaît: faire des propositions au public, susciter des questions et non fournir des interprétations. Mais tout le monde n’appréhende pas les choses de la même manière et je vais tenir compte des différentes sensibilités. On ne fait pas un musée pour soi.
Quel type de programmation voulez-vous défendre pour les expositions temporaires?
Le rythme restera de deux expositions par années et le fil conducteur, Genève. L’exposition actuelle explore l’éducation à Genève, avec des thèmes liés à l’histoire. Devraient suivre l’accueil d’une exposition itinérante de la phonothèque suisse, autour de la mémoire auditive de la Suisse, puis une participation aux manifestations liées au bicentenaire de l’entrée de Genève dans la Confédération avec une exposition explorant la manière dont Genève, sur le plan des mentalités, est devenue suisse. Enfin, un projet me tient à cœur, intitulé provisoirement Peindre et dépeindre Genève, qui viserait à montrer des peintures de paysage, des photographies et des textes d’écrivains décrivant Genève du milieu du XIXe au milieu du XXe siècle.
Français d’origine, après dix-sept ans passés à Genève, quel regard portez-vous sur l’histoire genevoise?
L’histoire genevoise, je l’ai découverte au fil des ans. Sans vouloir entrer dans des détails, j’ai l’approche de quelqu’un qui découvre, qui peut voir certaines spécificités que les Genevois ne perçoivent peut-être plus. Cela me semble constituer un atout.